Escalation in Persia: Donald, Boris and the Rest

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Autre épisode, cette semaine, dans la guerre de mots et les gestes d’intimidation réciproque opposant l’Iran et les États-Unis, mais avec ceci de particulier que Londres s’en mêle — et s’emmêle — de plus en plus sur le plan militaire. Une désescalade est difficile à imaginer dans l’ordre actuel et tendu des choses, d’autant que Boris Johnson, Brexiter enragé et trumpiste enthousiaste, deviendra dans quelques jours, sauf surprise, premier ministre de la Grande-Bretagne en remplacement de Theresa May, démissionnaire démontée.

Les faits, apparemment fiables : trois bateaux iraniens ont tenté mercredi « d’empêcher le passage » dans le stratégique détroit d’Ormuz d’un pétrolier appartenant à BP Shipping, en route vers le port irakien de Bassorah. En réaction, une frégate de la marine militaire du Royaume-Uni accompagnant le pétrolier s’est interposée, armes pointées sur les bateaux iraniens, qui se sont résignés à faire demi-tour.

Téhéran nie que cet incident se soit produit, un démenti qui ne tient pas vraiment debout dans la mesure où cet épisode fait suite à l’arraisonnement — un acte de piraterie, a déclaré l’Iran — d’un pétrolier iranien par le Royaume-Uni au large de Gibraltar, la semaine dernière, au prétexte que le bâtiment acheminait sa cargaison de brut à la raffinerie de Banias en Syrie, en violation des sanctions imposées par l’Union européenne. Que ceci survienne en représailles à cela est donc plausible, comme il est crédible, ainsi que l’affirment non seulement Téhéran mais aussi Madrid, que les Britanniques aient mis le grappin sur le pétrolier iranien à la requête de Washington.

L’épisode — sujet vendredi à une nouvelle surenchère de menaces — se superpose aux bravades qui se sont multipliées ces dernières semaines avec le sabotage de pétroliers et le drone américain abattu… Entendu que le monde ne serait pas aux prises avec ces tensions si Donald Trump, jugeant insuffisamment contraignant l’accord international de 2015 encadrant le développement de l’industrie nucléaire iranienne, ne s’en était pas retiré l’année dernière pour ensuite rétablir des sanctions américaines qui asphyxient l’économie iranienne. Une stratégie qui empêche l’Iran de vendre son pétrole, qui le renvoie à son état d’endiguement et qui se rend utile aux intérêts des Saoudiens et des Israéliens.

Il se trouve que, pendant que le commun des Iraniens souffre, et souffre gravement, le régime théocratique, lui, reste robuste. Aux actions qu’il mène dans le golfe Persique pour nuire au trafic pétrolier, l’Iran jouxte des gestes calibrés — et réversibles — de rupture avec l’accord nucléaire, ainsi qu’il l’a fait lundi en dépassant la limite négociée de l’enrichissement de l’uranium.

Entre le refus de l’Iran de se laisser intimider et la stratégie de « pressions maximales » du président Trump, l’épreuve de force se corsera avant qu’une logique de négociation prenne le relais de la diplomatie des armes. Une guerre ? Improbable, disent les experts patentés. Nul doute cependant que le degré de dangerosité de ces jeux navals va augmenter avec le projet annoncé par Washington de former à brève échéance une coalition militaire internationale pour assurer la liberté de navigation dans le Golfe.

La Grande-Bretagne est dans une position qui prête le flanc à une ambiguïté croissante. Avec l’appui de Londres et de Berlin, les deux autres capitales signataires de l’accord, Paris mène une difficile médiation pour tenter de calmer le jeu et de sauver l’accord, si tant est qu’il puisse encore l’être. Sauf que la plus récente poussée de fièvre donne à penser que l’adhésion anglaise à l’entente vacille.

Ce glissement risque de s’accentuer au vu de la polémique entourant la démission de l’ambassadeur britannique à Washington, Kim Darroch, après la fuite de télégrammes diplomatiques dans lesquels il a qualifié le gouvernement Trump d’« inepte » et de « dysfonctionnel ». Pour avoir refusé à répétition de défendre l’ambassadeur, le probable nouveau premier ministre Johnson s’est finalement trouvé, au grand dam du Foreign Office et d’une bonne partie de la classe politique britannique, à s’assujettir à M. Trump — faisant le calcul qu’il ne lui fallait pas compromettre ses chances de conclure avec les États-Unis un accord de libre-échange, une fois le Brexit consommé.

Suivant cette logique, disait un chroniqueur du Guardian, M. Johnson expose le Royaume-Uni à se voir transformer en « vassal d’un État unilatéraliste capricieux », où le futur premier ministre « serait le Carrie Lam britannique du Xi Jinping américain ». Encore que cette vassalisation a au moins un précédent : la soumission de Tony Blair à la guerre d’Irak de George W. Bush — et à tous ses mensonges.

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