Donald Trump ou la politique de l’outrage permanent
En disant à des élues de « retourner d’où elles viennent », le président américain a obtenu ce qu’il voulait : susciter l’indignation des médias et de l’opposition et reléguer les vraies questions au second plan.
La meilleure défense, c’est bien connu, est l’attaque. Donald Trump applique ce principe à l’envi et vient encore d’en faire la preuve : après une semaine qui l’a vu essuyer deux revers – la démission forcée de son ministre du travail et l’abandon de son projet de lier le recensement à la nationalité, à la suite du désaveu de la Cour suprême –, le président des Etats-Unis a lancé, depuis le 14 juillet, une rafale de tweets injurieux et xénophobes à l’égard de quatre élues démocrates très engagées dans la défense des droits des migrants.
D’une certaine manière, Donald Trump a obtenu ce qu’il voulait : le caractère outrancier de cette offensive ayant franchi la barre, pourtant déjà élevée et à laquelle la Maison Blanche a habitué les Américains depuis deux ans et demi, les médias et l’opposition démocrate sont tout entiers mobilisés par leur indignation à l’égard de propos présidentiels qu’ils jugent racistes.
Jamais, il est vrai, un président des Etats-Unis, pays d’immigration par excellence, n’avait mis en demeure des élus de la Chambre des représentants de « retourner d’où [ils] viennent » ; il se trouve que trois des quatre jeunes femmes mises en cause sont nées aux Etats-Unis ; la quatrième y est arrivée enfant avec des parents réfugiés de Somalie.
Accompagnée d’une volée d’insultes sur les opinions politiques et le prétendu antisémitisme de ces élues, cette nouvelle ode à une Amérique blanche d’un autre âge, destinée à flatter les pires instincts d’une partie de l’électorat trumpiste, est en effet éminemment condamnable.
Climat d’agressivité et de xénophobie permanent
La tactique désormais familière de Donald Trump d’aller toujours plus loin dans l’outrage verbal pour reléguer les vraies questions au second plan ne doit pas faire oublier, cependant, ce qui est véritablement en cause actuellement aux Etats-Unis : le traitement des candidats à l’immigration et le droit à l’asile.
Elu sur la promesse de mettre un frein à l’immigration clandestine, Donald Trump s’est heurté dès le début de son mandat à des obstacles juridiques, judiciaires, politiques ou diplomatiques, qu’il tente de surmonter par tous les moyens.
Il a dû revenir sur sa pratique de séparer les enfants, y compris les nourrissons, de leurs parents, mais la détention d’enfants et de mineurs enlevés aux adultes qui les accompagnaient, même s’ils étaient de leur famille, dans des camps de rétention surpeuplés se poursuit. La haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, Michelle Bachelet, s’est déclarée « profondément choquée » après avoir vu des enfants dormir à même le sol en visitant ces camps, le 8 juillet.
Furieux de ne pouvoir construire, faute de financement, le mur tant vanté à la frontière avec le Mexique, il a contraint ce pays, sous la menace de sanctions douanières, à prendre en charge lui-même le blocage des migrants venus d’Amérique centrale. Lundi, l’administration Trump s’en est prise directement aux modalités du droit d’asile internationalement reconnues, en annonçant que les réfugiés ne pourraient demander l’asile aux Etats-Unis que s’ils l’avaient déjà demandé préalablement dans un autre pays.
L’immigration clandestine incontrôlée est un défi pour les gouvernements de tous les pays développés, dont ceux d’Europe. Il est légitime de vouloir en régulariser les flux. Mais entretenir un climat d’agressivité et de xénophobie permanent, tout en attaquant les fondements du droit d’asile, n’est pas seulement indigne, c’est aussi contre-productif.
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