Une nouvelle ère de la dissuasion nucléaire
Les Etats-Unis se sont retirés, vendredi, du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire. Ce retrait rebat les cartes des équilibres en matière d’armement.
La mort désormais officielle du traité sur les forces nucléaires de portée intermédiaire (FNI), annoncée par Donald Trump il y a six mois et actée vendredi 2 août, est un nouveau signe inquiétant d’un désordre croissant dans les relations internationales. Dernier en date des grands traités américano-soviétiques de la fin de la guerre froide, cet accord, signé à Washington le 8 décembre 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, mettait fin à la crise des euromissiles, qui fut l’un des paroxysmes de la rivalité entre les deux blocs sur le Vieux Continent. Le FNI a permis à l’époque la destruction de la totalité des missiles nucléaires d’une portée comprise entre 500 et 5 500 km.
Le coup de grâce a été donné par Donald Trump mais, déjà, l’administration Obama affichait ses doutes croissants sur cet accord violé depuis des années par la Russie. Les alliés de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), à commencer par la France, étaient aussi bien conscients des limites d’un texte vieux de trente ans et en décalage croissant face aux nouvelles réalités géostratégiques. Il ne prenait pas en compte notamment la montée en puissance, voire l’hubris, d’une Chine, qui a massivement développé ce type d’armement.
En dénonçant cet accord qu’ils respectaient, les Etats-unis veulent avoir les mains libres pour développer à nouveau et produire ce type de missiles intermédiaires. Il s’agit notamment de faire face aux 9M729 russes, missiles mobiles d’une portée effective de 2 500 km bien que Moscou assure, contre toute évidence, qu’elle ne dépasse pas les 480 km. Toutes les villes européennes sont ainsi susceptibles d’être touchées par ces missiles tirés depuis le territoire russe.
Retour de tensions oubliées
Ces arguments américains sont audibles. Mais, une fois de plus, c’est la méthode Trump, avec ce mélange d’improvisation et d’intuition, mais surtout de mépris pour ses alliés, qui est hautement critiquable. L’administration américaine n’a pas tenté de renégocier le texte, ni de l’ouvrir à d’autres pays, en premier lieu la Chine. A ses yeux, les traités de ce genre ne sont rien d’autre qu’un carcan bridant les intérêts des Etats-Unis, et Washington ne fera rien, non plus, selon toute probabilité, pour prolonger le New Start, le traité avec Moscou sur les armements stratégiques intercontinentaux qui arrive à échéance en 2021.
La fin du FNI n’entraînera pas automatiquement une course aux armements sur le Vieux Continent, ni un déploiement massif de ces missiles intermédiaires. La modernisation des arsenaux nucléaires avait, en fait, déjà bien commencé tant aux Etats-unis qu’en Russie ou en France. La fin programmée de ce traité en est la conséquence plutôt que la cause. Le risque n’en est pas moins réel de voir remis en question tous les équilibres autour du nucléaire.
Certes, les arsenaux ne sont plus ceux de l’époque de la guerre froide, où les deux grandes puissances disposaient de quelque 60 000 têtes nucléaires. Aujourd’hui, l’ensemble ne représente plus que 14 000 unités. Il n’en reste pas moins que, trente ans après la fin de la guerre froide, le désarmement nucléaire marque le pas, voire se renverse, avec le retour de tensions oubliées depuis des années. D’où l’inquiétude du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Celle-ci est d’autant plus compréhensible que, sur un autre plan, de la Corée du Nord à l’Iran, les efforts déployés pour bloquer la prolifération montrent toutes leurs limites.
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