Il faut nommer l’horreur : le terrorisme blanc a frappé les Etats-Unis
EDITO. Le terrorisme blanc, qui a frappé ce week-end, appartient à une nébuleuse mondiale, dont les membres, connectés sur les réseaux sociaux, font partie d’une communauté virtuelle qui partage les mêmes valeurs racistes, sexistes et homophobes.
Patrick Crusius n’est pas un ennemi de l’Amérique. Il n’est ni musulman, ni latino, ni clandestin. Il n’appartient à aucun de ces groupes stigmatisés par Donald Trump. C’est un Texan pur jus de 21 ans qui est entré samedi dernier avec un fusil d’assaut dans un Walmart d’El Paso, une ville frontalière à 1 000 kilomètres de chez lui, peuplée à 80 % d’Hispaniques. Il a tué 21 innocents et en a blessé 27 autres. Le lendemain, un autre homme blanc, de 24 ans cette fois, a abattu 9 personnes dans un quartier animé de Dayton, dans l’Ohio. Dans les deux cas, il s’agit bien, selon le FBI, d’actes de haine contre des individus d’une autre race. Le tueur d’El Paso a justifié le massacre en expliquant, dans un long « manifeste », qu’il s’agissait de combattre l’invasion du Texas par les migrants hispaniques.
Donald Trump a dénoncé la « lâcheté » des tueurs
Que s’est-il passé après ce week-end sanglant ? Les autorités ont évoqué des pathologies mentales, dénoncé l’influence des jeux vidéo, mentionné des dérives nationalistes. Donald Trump a tweeté sur la « lâcheté » des tueurs, et mollement envisagé un contrôle des ventes d’armes, tout en réclamant, au passage, de nouvelles mesures contre l’immigration. On est loin, avouons-le, de l’immense émotion collective, des réflexes d’union nationale, des positions intransigeantes généralement adoptées aux Etats-Unis après un attentat islamiste.
Les moyens déployés n’ont rien à voir avec les ripostes classiques. Pas de services secrets sur le pied de guerre, pas de contrôle renforcé des cellules extrémistes, pas de débat sur la radicalisation, sur le démantèlement des réseaux, sur la lutte contre cette propagande suprémaciste blanche, qui se répand comme un cancer sur la Toile mondiale. Curieusement, à l’exception de Bernie Sanders, aucun grand dirigeant politique américain ne s’est même risqué à prononcer le terme adéquat en dénonçant des « actes terroristes ».
Une même idéologie globale
Il faut pourtant nommer l’horreur. Selon Le Petit Robert, le terrorisme se caractérise par « l’emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique ». Ce qui est très précisément la logique à laquelle obéissent ces tueries de masse. Certes, ces loups solitaires n’appartiennent pas à un mouvement structuré. Mais ils obéissent à une même idéologie globale, la défense de la civilisation chrétienne, blanche, cette vieille obsession en plein essor, nourrie par les discours populistes de dirigeants qui « alimentent un climat de peur et de haine, normalisant les sentiments racistes », comme l’a rappelé Barack Obama…
Dans son manifeste, le tueur d’El Paso dit s’être inspiré du massacre de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui avait fait 51 morts dans une mosquée en mars dernier. L’auteur présumé de cet assaut s’était lui-même déclaré motivé par le concept de « grand remplacement » forgé par l’écrivain français d’extrême droite très en vogue dans le milieu complotiste, Renaud Camus. Comme Daech, le terrorisme blanc forme aujourd’hui une nébuleuse mondiale, dont les membres, connectés sur les réseaux sociaux, appartiennent à une communauté virtuelle qui partage les mêmes valeurs racistes, sexistes et homophobes. C’est aujourd’hui la menace numéro un qui pèse sur le territoire américain, selon le FBI, alors que le terrorisme islamiste est en déclin dans les pays occidentaux. Reste à ne plus détourner le regard et à l’affronter.
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