White Supremacy, a Non-Mental National Illness

 

 

 

 

 

Trump quote, P2:   [https://www.cnn.com/videos/politics/2019/08/05/president-donald-trump-mass-shootings-bipartisan-action-remarks-sot-vpx.cnn]

Trump quote, P10 : [https://www.nytimes.com/2019/08/05/us/politics/trump-speech-mass-shootings-dayton-el-paso.html]

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Une autre tuerie ayant pour mobile le suprémacisme blanc a frappé les États-Unis le week-end dernier. Bien qu’il nous semble évident que le racisme et les armes à feu sont au coeur des explications, le président favorise, entre autres, la piste des maladies mentales, encore une fois bouc émissaire, pour élucider ces gestes d’une grande violence.

« Mental illness and hatred pulls the trigger, not the gun », qu’on pourrait traduire par : « C’est la maladie mentale et la haine qui ont pressé sur la détente, pas l’arme. » Ce lien de corrélation fallacieux reste bien difficile à prouver malgré le fait que l’on retrouve sur plusieurs lèvres le mot « fou » pour décrire le tireur ou encore le geste. Dans un article publié en novembre 2018 dans Psychology Today, la Dre Amy Barnhorst prend soin de déconstruire le mythe de la responsabilité de la maladie mentale derrière un acte aussi violent que l’assassinat de plus de vingt personnes. Ainsi, ce ne sont pas des illusions ou une perception altérée de la réalité qui vont pousser un individu à tirer sur une foule, mais plutôt l’insécurité et la haine soit, dans ce cas-ci, la haine envers des minorités qui « jouissent » aujourd’hui de droits qui autrefois n’étaient que le privilège des Blancs.

Les médias et les politiciens ont cette manie de psychologiser un rapport de domination en mettant l’accent sur la santé mentale du tireur, son enfance malheureuse ou encore sa relation difficile avec ses camarades d’école quand il était jeune. Comme si toute personne ayant eu une enfance difficile ou souffrant d’un trouble bipolaire était susceptible de commettre une tuerie dans un Walmart, une synagogue ou une mosquée. Cette méthode est bien efficace afin de contourner l’immense éléphant qui est dans la pièce : la suprématie blanche. Cette white supremacy sur laquelle se sont littéralement construits les États-Unis que l’on connaît aujourd’hui n’est pas le mal de l’heure, mais bien un mal qui perdure depuis 400 ans.

La maladie du « remplacement »

De nombreux groupes et groupuscules qui prônent sans subtilité la suprématie blanche ont toujours fait partie du paysage politique américain. Plusieurs d’entre eux souhaitent un retour en arrière, soit avant la signature du Civil Rights Act, du Voting Rights Act et de l’Immigration and Nationality Act dans les années 1960. Ces législations permettant aux minorités d’obtenir les mêmes droits que les Blancs auraient mis en place, selon certains groupes de haine, un « génocide blanc » soit, l’idée que les Américains blancs vont systématiquement être remplacés ou détruits. Cette conspiration tout aussi absurde qu’irréelle, existant également en dehors des États-Unis, se nomme « le grand remplacement ». Ce grand remplacement qui fut mentionné dans les revendications lors de l’attentat à Christchurch en Nouvelle-Zélande est également la thèse principale du manifeste laissé par l’individu qui a ouvert le feu à El Paso afin de stopper une prétendue évasion hispanique au Texas. Pourtant, aucun lexique médical ne fait mention de la maladie du « grand remplacement » malgré le fait que ce mal touche beaucoup plus de gens que l’on pourrait croire et qu’il semble être contagieux, touchant seulement les Blancs et principalement les hommes.

La raison est simple : ce mal ne se soigne pas avec un traitement basé sur l’individu ayant commis le geste, comme le propose le président actuel avec son intention de simplifier et d’accélérer le processus de la peine de mort pour le tireur. Réduire la faute de ce genre de drame à un seul individu est une excellente façon d’éviter la question raciale qui empoisonne la vie de millions de personnes vivant aux États-Unis (et ailleurs).

Le professeur David Morin, spécialiste en radicalisation et en extrémisme violent, nous rappelle que la venue d’un président noir en 2008 a certes ranimé un nationalisme blanc voyant une menace à la race blanche. Le président actuel n’a donc pas fait réapparaître comme par enchantement le racisme depuis son arrivée en politique. Néanmoins, ses innombrables commentaires haineux envers les réfugiés, les immigrants, des représentantes du congrès, des quartiers noirs ou l’absence de condamnation des gestes violents perpétrés par des groupes de suprémacistes blancs viennent conforter la peur et la paranoïa d’une partie de la population profondément raciste et légitimer leurs gestes et paroles.

Racisme systémique

Au-delà d’un président que l’on accuse d’alimenter la haine, on retrouve chez nos voisins du sud un racisme systémique bien ancré dans les structures et les institutions politiques. Dans son livre Dying of whiteness, Jonathan M. Metzl, professeur en sociologie et psychiatrie, nous ouvre la porte d’un pays maladivement raciste, alimenté par des rhétoriques qui datent de la naissance du KKK au lendemain de la guerre de Sécession. Plusieurs cas présentés dans le livre nous démontrent à quel point le racisme est ancré dans l’ADN de la société américaine et que ce racisme est encouragé par le gouvernement actuel à des fins politiques.

Au Missouri, l’auteur recueille des témoignages tels que : « I see white guys and their sons walking around Sam’s Club, Walmart and other places […] strolling with their guns on their hips like it’s the Wild West. They’re trying to be all macho, like they have power because of their guns. » On découvre alors un double standard en ce qui a trait au port d’arme : un Blanc armé est perçu comme un « protecteur », alors qu’un Noir qui possède également une arme est perçu comme un « traître ». En lisant le chapitre sur les armes à feu dans l’ouvrage de Metzl, on comprend rapidement que, pour les résidents blancs du Missouri, une arme à feu rime avec liberté, patriotisme et autoprotection (face aux non-Blancs).

Ces exemples sont tirés de millions de cas où le racisme et la suprématie blanche sont bien enracinés dans la vie quotidienne des Américains, dans les structures politiques et dans les structures sociales des États-Unis et non pas le résultat d’un diagnostic d’un trouble anxieux.

Cela n’a pas empêché le président de déclarer à la nation américaine lundi matin : « In one voice our nation must condemn racism, bigotry and white supremacy. » Cette phrase a été jetée dans la même foulée que le blâme des maladies mentales et des jeux vidéo mais aucunement élaboré de la part du président. Les États-Unis sont-ils prêts à ouvrir le couvercle de la marmite et à se pencher sur les vraies raisons qui poussent des individus à prendre une arme afin de manifester leur peur et leur haine ? Les attentes étaient très élevées envers la présidence d’Obama, qui n’a pas su régler ni même aborder en profondeur la question du racisme aux États-Unis. Bien que nous ne soyons pas à une surprise près avec le président actuel, si ce dernier lance le bal de la grande remise en question que mérite le peuple américain, eh bien, on aura tout vu !

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