In the United States: Warren’s Moment

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Aux Etats-Unis, le « moment » Warren

La procédure d’« impeachment » lancée contre Donald Trump est un tournant dans la campagne pour la prochaine présidentielle américaine. Jusqu’à présent, Elizabeth Warren, candidate à la primaire démocrate, est celle qui en tire le meilleur parti.

A la fin de son second mandat, à l’été 2000, Bill Clinton aurait, selon les confidences orales d’un de ses conseillers, réuni ses plus proches collaborateurs à la Maison-Blanche. Il voulait leur exprimer ses regrets, sinon ses excuses. L’Affaire Monica Lewinsky, et le processus d’« impeachment » qu’elle avait déclenché, ne lui avait pas permis de se consacrer à ses responsabilités internationales, comme il aurait pu et dû le faire.

« Ukrainegate »

Que dire aujourd’hui, alors qu’ une nouvelle procédure d’impeachment – la troisième dans l’histoire – menace l’improbable locataire de la Maison-Blanche ? Le mardi 1er octobre, le contraste ne pouvait être plus grand entre les images en provenance de Pékin et celles venues de Washington. A Pékin, la Chine célébrait triomphalement avec un faste martial, le soixante-dixième anniversaire de la création de la République populaire , et ce en dépit des gros nuages venus de Hong Kong. A Washington, les Etats-Unis s’enfonçaient un peu plus dans les méandres de l’« Ukrainegate ». L’affaire Monica Lewinsky avait éclaté à un moment où l’Amérique était sans rival dans un monde devenu unipolaire. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, à l’heure de la montée en puissance de la Chine et du retour de la Russie.

Faut-il voir dans « l’affaire Zelensky » la grandeur ou la faiblesse de la démocratie, la force ou la paralysie d’un système fondé sur l’équilibre des pouvoirs ? Un peu des deux sans doute. La tentative du président Donald Trump de faire chanter un allié : « Vous n’aurez pas mon aide militaire, si vous ne m’aidez pas à affaiblir la candidature de mon principal rival » est tellement hors norme, qu’elle justifie pleinement la procédure qui a été lancée.

En ce début d’octobre 2019, l’« Ukrainegate » a déjà affaibli deux personnes : Donald Trump, qui en se démenant avec la violence d’un animal blessé aggrave sans doute son cas, et Joe Biden, même s’il n’a rien à se reprocher personnellement dans l’affaire.

Trump, une machine à perdre

Une seule personne semble avoir jusqu’à présent clairement profité de l’« Ukrainegate » : la candidate démocrate Elizabeth Warren. Elle bénéficie de plus du retrait (momentané ou non) pour des raisons de santé, de son rival à la gauche du parti, Bernie Sanders . Il convient bien sûr de rester très prudent. L’auteur de ces lignes s’est gravement trompé, en ne voyant pas venir la victoire de Donald Trump en 2016. Et la campagne ne fait que commencer. Je serais pourtant tenté d’écrire dès à présent, que si j’ignore qui sera le prochain président des Etats-Unis, ce ne sera pas Donald Trump. L’évolution de l’opinion publique est bien sûr fluctuante par essence. Mais on peut penser que des tendances lourdes commencent à émerger. Dans un sondage publié il y a quelques jours, Elizabeth Warren devance pour la première fois Joe Biden. Le Parti démocrate, sentant la vulnérabilité nouvelle de Donald Trump, est-il en train de se rallier à une candidate qui par son énergie, son apparence physique (en dépit de ses soixante-dix ans) fait presque paraître vieux le locataire de la Maison-Blanche, contrairement à Joe Biden qui le rend presque jeune ? Plus troublant encore pour Donald Trump, le Parti républicain qui le suivait fidèlement, parfois en « se bouchant le nez », commence à donner l’impression de vouloir le déserter. Et si Donald Trump était en train de devenir – en dépit de la fidélité de sa base – une machine à perdre pour le Parti républicain dans son ensemble ?

Il y a une semaine encore, la majorité des commentateurs avertissait le camp des démocrates. La procédure d’« impeachment » est sans doute justifiée au niveau du respect des principes démocratiques, mais politiquement elle constitue un trop grand risque pour le parti. Les Américains dans leur majorité, disaient-ils, ne verront en elle qu’une manoeuvre politicienne, une analyse confortée par les tout premiers sondages. Mais tel n’est plus le cas aujourd’hui : l’opinion publique s’est renversée. L’affaire est devenue bien plus spectaculaire, avec de nouveaux rebondissements chaque jour, comme peut l’être une série télévisée à laquelle ses spectateurs deviennent malgré eux addictifs. Qui savait quoi, qui faisait quoi, bref, quelle est l’étendue du scandale ? Contrairement au « dossier russe », l’affaire ukrainienne, en effet, paraît simple.

Elizabeth, trop à « gauche » ?

Et un sentiment domine aujourd’hui : nous ne sommes qu’au tout début de l’affaire et son rythme va s’accélérer de manière inexorable. La question n’est pas encore de savoir si le président en place sera contraint à la démission, comme a pu l’être Richard Nixon en 1974, mais si Donald Trump peut survivre politiquement en 2020.

Reste la personnalité et les options politiques et plus encore économiques de celle que Donald Trump appelle « Pocahontas », Elizabeth Warren. N’est-elle pas trop radicale, trop à « gauche » dans sa vision du capitalisme ? Autrement dit, comment une candidate, dont la pensée économique semble parfois proche de celle de Thomas Piketty , pourrait-elle devenir président des Etats-Unis ? Cette radicalité n’est-elle qu’une simple posture, l’expression d’un populisme de gauche, destinée à lui faire remporter les primaires au sein d’un parti qui s’est gauchisé au fil des années ? Va-t-elle se « recentrer » une fois sa nomination acquise ? En fera-t-elle la preuve par le choix d’une personnalité beaucoup plus modéré et accessoirement beaucoup plus jeune, sur son « ticket » démocrate ? Ce changement de cap n’est pas si simple.

A un peu plus d’un an des présidentielles de 2020, nombre d’électeurs américains se trouvent potentiellement confrontés à un dilemme cornélien. Doivent-ils mettre en danger l’économie libérale, et leurs intérêts personnels, en élisant une femme qui promet, entre autres, d’augmenter de manière spectaculaire les impôts des très riches ? Ou doivent-ils se résigner à mettre en danger l’avenir de la démocratie aux Etats-Unis en acceptant la réélection d’un homme si manifestement incapable d’exercer de manière sereine et compétente les fonctions présidentielles ? S’il n’y a plus rien à espérer de Donald Trump, y a-t-il tout à craindre d’Elizabeth Warren ? Pour l’Amérique, comme pour le monde, le risque Warren est sans doute moins grand que celui d’une deuxième présidence Trump.

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