How AOC Made Mark Zuckerberg Tremble

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Lors d’une audition sous tension au Congrès américain, Alexandria Ocasio-Cortez a interrogé le fondateur de Facebook sur le scandale Cambridge Analytica et sur le rôle joué dans la désinformation par le réseau social. Face aux questions successives, Mark Zuckerberg a eu des difficultés à se défendre. La scène décortiquée par Adrien Rivierre, spécialiste de la prise de parole en public.

Devant le Congrès américain, Mark Zuckerberg était venu présenter et défendre le nouveau projet de monnaie numérique de Facebook, le libra. Mais l’audition qui a duré plusieurs heures s’est peu à peu transformée en un calvaire pour le fondateur et PDG du réseau social. Très critiques, les élus américains présents ont cherché à mettre en lumière et déterminer le rôle joué par Facebook dans la désinformation ainsi que les risques, compte tenu de sa puissance, qu’elle représente pour la démocratie.

Et encore une fois à ce jeu-là, la plus jeune représentante démocrate au Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez, a frappé un grand coup. En seulement cinq minutes, le temps de parole imparti pour chaque élu, elle est parvenue à mettre en difficulté son interlocuteur. Devenue la grande spécialiste de cet exercice, celle qui est surnommée « AOC » fait encore une fois la démonstration de ses qualités d’oratrice et d’argumentation.

Du contexte

Au début de son intervention, très pédagogique comme à son habitude, Alexandria Ocasio-Cortez prend quelques secondes pour planter le décor. Elle prend soin de préciser le contexte dans lequel ses interrogations successives vont s’inscrire en avançant ainsi que pour évaluer les risques démocratiques que pourrait représenter la monnaie Libra, il est nécessaire de revenir sur les actions menées par Facebook par le passé. Cette courte introduction lui permet également de rappeler que le réseau social a fait l’objet de plusieurs scandales, dont celui de Cambridge Analytica… sujet de ses premières questions.

Du concret

Bien que les sujets évoqués lors de ces auditions soient souvent complexes et pourraient facilement paraître abstraits pour une personne n’ayant pas étudié le dossier, AOC s’efforce toujours d’être la plus concrète possible. Par exemple, à propos de la possibilité de réaliser des campagnes de publicité mensongères, elle affirme : « Serais-je capable de diffuser des publicités sur Facebook ciblant un électorat républicain durant la campagne des primaires, mais en disant qu’ils ont voté pour le ‘Green New Deal’ ? »

L’oratrice fait ici exprès d’énoncer une assertion loufoque pour pointer du doigt le problème, concédé par Mark Zuckerberg : Facebook ne supprimera pas ces contenus s’ils venaient à apparaître en ligne. Elle démontre par l’exemple que le réseau social considère qu’il n’est pas de sa responsabilité de juger de la vérité des informations partagées.

Mais plus encore, à travers cette question, AOC se met en situation, comme si elle réalisait elle-même cette action, donnant ainsi une couleur très concrète et vivante au propos. Elle sait que ces images ont le pouvoir de marquer les esprits et de parler directement aux personnes qui verront la vidéo car cela fait écho à leurs expériences personnelles sur le réseau social.

Des reformulations

A plusieurs reprises, Mark Zuckerberg répond aux questions d’AOC par un hésitant : « Je ne sais pas ». Or, loin de s’en contenter, l’oratrice exprime et explicite la signification qui se cache derrière cette courte réponse qui ne la satisfait pas. Par la même, elle souligne à quel point « Je ne sais pas » est une réponse inacceptable et affirme par exemple à propos de Cambridge Analytica : « Vous ne savez pas, il s’agissait du plus grand scandale de fuite de données relatif à votre entreprise, scandale qui a eu des conséquences énormes sur les élections de 2016, et vous ne savez pas ? »

Garder la main

Dans le contexte d’une audition, Mark Zuckerberg se trouve dans la position de celui qui est interrogé, il est ainsi déjà dans une position défensive et d’infériorité. Mais ici l’oratrice renforce cette sensation en accumulant les questions et en les enchaînant rapidement. Elle n’hésite pas à lui couper la parole à la fois pour terminer sa démonstration dans les temps, mais également pour souligner encore plus ses nombreuses hésitations. D’un côté l’oratrice dispose de ses fiches, elle parle vite et d’un ton assuré. De l’autre, Mark Zuckerberg hésite et ne parvient pas à renvoyer une image sûr de lui.

Par exemple, à la fin de la séquence notamment, le fondateur de Facebook, très probablement fatigué après des heures d’échange, ne se souvient pas d’une question tout juste posée, demande ainsi à son interlocutrice de la répéter, mais celle-ci décide plutôt de lui en poser immédiatement une autre.

Avec cette nouvelle intervention, AOC confirme qu’elle est redoutable dans ces prises de parole courtes, percutantes et où elle se trouve de facto en position de force, car en position de poser les questions. Très préparée, consciente du format et du temps imparti, elle prend soin de mettre en lumière, pour le grand public surtout, les problèmes liés aux sujets de ces auditions qui n’ont jamais autant été médiatisées.

Adrien Rivierre est spécialiste de la prise de parole en public. Son dernier livre, « L’Homme est un conteur d’histoires » vient de paraître chez Marabout.

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