The Ukrainian Side of the Matter

 

 

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Le côté ukrainien de l’affaire

Il y a un point de vue ukrainien sur le scandale qui amène aujourd’hui Donald Trump au bord de l’impeachment. Où l’on retrouve la faiblesse de l’Ukraine, mais aussi le profond désir russe de revanche face à l’Occident.

La subvention que Donald Trump avait retenue pour appliquer, à son profit personnel, la pression sur son homologue ukrainien représente environ 400 millions de dollars américains. Une somme dont les Ukrainiens disent avoir un besoin urgent dans la guerre inachevée contre les sécessionnistes prorusses.

Lorsque Moscou, en 2014, a annexé la Crimée, puis armé et soutenu une révolte des russophones de l’extrême est du pays, l’aide américaine à l’Ukraine a fait un bond.

En additionnant les 400 millions de « l’affaire Trump », comme on l’appelle à Kiev, ce sont près de 2 milliards qui ont été versés par Washington depuis le début de cette crise.

Conflit oublié et « gelé » (encore qu’à moitié, avec des escarmouches et des morts jusqu’à ce jour) de l’ex-empire russe, la guerre du Donbass se poursuit à un coût humain et financier élevé pour l’Ukraine. On parle de 13 000 victimes depuis cinq ans. Par conséquent, Kiev reste très « demandeur » d’aide militaire.

C’est l’agression russe de 2014 — selon l’expression de Kiev — qui a entraîné des sanctions économiques contre Moscou, doublées d’une augmentation marquée de l’aide américaine.

Selon Moscou, c’est bien sûr la faute des Occidentaux, qui se sont rapprochés des nationalistes ukrainiens en offrant à Kiev, dans les années 2000 et 2010, la promesse (lointaine) d’une adhésion à l’Europe : le fameux « partenariat », au sujet duquel l’ancien président Ianoukovitch, soumis à la pression de Moscou, avait tergiversé.

Renversé par la révolte des nationalistes pro-occidentaux à Kiev, fin 2013 et début 2014 (l’« Euromaïdan »), il est allé se réfugier en Russie.

La chute de l’Union soviétique a été une véritable libération pour la plupart des peuples concernés. Mais pour Vladimir Poutine, c’est au contraire « la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ».

Le rapprochement avec l’Occident (adhésion à l’OTAN, puis à l’Union européenne) de pays issus de l’ancienne Union soviétique (pays baltes), et de ceux de l’Europe de l’Est, a été très mal vécu à Moscou, même s’il était souhaité, demandé par la quasi-totalité des Polonais, des Lituaniens, des Hongrois…

Mais lorsque les Ukrainiens pro-occidentaux — majoritaires au pays — se sont mis à vouloir faire pareil, c’en fut trop. Après l’Euromaïdan, la riposte de Moscou s’est organisée, en Crimée, au Donbass. Tel est l’arrière-plan géopolitique du scandale qui secoue Washington.

« L’affaire Trump » fait très mal paraître le président Volodymyr Zelensky. Élu au printemps avec 73 % des voix contre Petro Porochenko (l’homme du rapprochement pro-occidental, battu pour d’autres raisons : la corruption et l’engouement pour un jeune novice), il a perdu aujourd’hui un bon tiers de ses appuis.

C’est que Zelensky avait fait campagne sur une double promesse : trouver la paix avec la Russie ; combattre la corruption endémique en Ukraine.

Or, « l’affaire Trump » est précisément au confluent de ces deux questions… Au cours de la fameuse conversation du 25 juillet, l’Ukrainien donne servilement à l’Américain du « Oui, M. Trump ; je suis 100 % d’accord avec vous, M. Trump ; je vais voir ce que je peux faire [pour Biden], je vais aussi améliorer mon anglais, M. Trump ».

Une discussion moralement douteuse, où il se montre complaisant. Même si à la fin, à cause du scandale qui éclate en septembre à Washington, il n’aura finalement pas à répondre à la demande d’enquête sur Joe Biden et son fils. Les 400 millions seront finalement versés, ne représentant plus une monnaie d’échange pour Trump.

Dans cette histoire apparaît en filigrane la filière Trump-Poutine et, en corollaire, l’antipathie de Trump envers l’Ukraine… le pauvre Zelensky a perdu un allié sûr à Washington : Kiev ne peut plus, comme avant, compter sur les États-Unis.

Et ces jours-ci, à Kiev, le président est accusé de vouloir conclure la paix à n’importe quel prix avec Moscou, à genoux s’il le faut. Et qui rigole aujourd’hui ? Il est russe, prénom Vladimir…

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