Paris sans Trump
Guy Taillefer
Les États-Unis de Donald Trump n’ont surpris personne en annonçant la semaine dernière avoir officiellement lancé les procédures de retrait de l’Accord de Paris sur le climat. M. Trump en avait déjà manifesté l’intention en juin 2017 en affirmant stupidement avoir été élu « pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris ».
L’annonce est tombée, conformément aux procédures prévues dans l’entente, trois ans jour pour jour après l’entrée en vigueur du texte, le 4 novembre 2016. Pour ce climatosceptique confus, l’Accord de Paris constitue « a bad deal » pour les États-Unis, suivant la posture absurdement victimaire qu’il ne cesse d’adopter dans ses tractations internationales. Comme si l’accord signé en 2015, s’agissant de fixer des objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre, était contraignant, ce qui n’est pas le cas.
Ce n’est pas une surprise, mais ce n’en est pas moins aberrant, puisqu’il n’est absolument pas dans l’intérêt national et collectif des États-Unis de se soustraire à un large accord international, qu’il est, au contraire, urgent de renforcer.
Ce retrait n’empêchera pas le niveau des océans de monter, y compris à Mar-a-Lago. Ni de voir brûler la Californie, dont on pourrait presque penser que ce président jouit de l’abandonner à son sort. Ce retrait ne freinera pas « la réponse violente de la nature » — dixit Dominic Champagne, porte-parole du Pacte de transition — aux violences de nos économies de surconsommation.
Le seul intérêt de ce retrait est celui, très politique, qu’espère en tirer pour lui-même un président qui, en soutenant notamment l’industrie mourante du charbon, compte que cela lui donnera des votes utiles à sa réélection en 2020. Que d’ailleurs M. Trump l’emporte le 3 novembre prochain et, hasards du calendrier, le retrait comme tel entrerait officiellement en vigueur le lendemain 4. Pourvu que non.
L’aberration est grande au regard de la crise migratoire que Trump fomente à des fins électorales. S’appuyant sur des chiffres de la Banque mondiale, le Global Center on Adaptation, un organisme para-onusien, relève que le dérèglement climatique poussera forcément de plus en plus de Centraméricains à l’exil pour la raison évidente que, dans le « triangle du nord » (Guatemala, Salvador, Honduras), environ la moitié de la population vit de l’agriculture. Il est entendu que ce président s’accroche à ladite crise pour exciter sa base. Au départ, c’est un gouvernement qui ne possède tout simplement pas l’intelligence des mesures de résilience climatique qu’il serait urgent de mettre sur pied pour aider ces pays pauvres.
De la même manière, il se moque de l’appel lancé la semaine dernière par 11 000 scientifiques dans la revue américaine BioScience à une révolution de nos modes de vie afin d’éviter des « souffrances indescriptibles » liées au réchauffement climatique ; et du récent rapport, portant sur les océans et la cryosphère (calottes glaciaires, banquises, pergélisol), du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Un rapport qui vient pourtant reconfirmer les scénarios pessimistes que le GIEC élabore depuis 1990 et qui, parfois même, sont dépassés par la réalité d’une crise climatique qui s’accélère plus vite qu’on ne l’avait prévu.
Certes, la défection du deuxième émetteur mondial de GES après la Chine est un coup dur, et pas seulement symbolique, porté à la lutte contre les changements climatiques. Elle n’annule pas pour autant le rôle porteur de l’Accord de Paris. Aux États-Unis, le mouvement We are still in (25 États, 430 villes, des centaines d’universités et d’entreprises) reste fidèle au traité. Un traité, faut-il le rappeler, qui demeure incomplet et insuffisant. À l’échelle mondiale, le dioxyde de carbone continue d’être rejeté en quantité croissante dans l’atmosphère.
Excuse me Mr., chantait Ben Harper. Toutes les manifestations et toutes les Greta Thunberg du monde ne feront pas changer d’idée M. Trump et ses aficionados. Soit, dit Naomi Klein, qui vient de publier un nouveau livre, La maison brûle — Plaidoyer pour un New Deal vert (Lux). Un changement radical pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2030 n’est pas moins possible, plaide-t-elle, convaincue qu’on assiste à une vraie évolution dans les opinions publiques. Alors quoi ? Ne pas cesser, en tout cas, de talonner les Trudeau et les Macron de ce monde, tous ces politiciens qui tiennent sur le climat un double langage qui trompe de moins en moins. Eux aussi font partie du problème.
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