Dangers Rising across the World

<--

La montée des périls dans le monde

OPINION. Chine, Corée du Nord, Iran, dans les trois cas, la méthode choisie par le président Trump est mise en échec, écrit notre chroniqueur François Nordmann

L’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine est de nature planétaire, propre à modifier l’ordre mondial. Un accord intérimaire devrait suspendre la guerre commerciale le 15 janvier prochain sans résoudre le fond des problèmes soulevés par les Etats-Unis. Mais deux crises nucléaires régionales se superposent simultanément sur cette toile de fond grosse de dangers: les menaces de la Corée du Nord reprennent de plus belle tandis que le risque d’une escalade militaire entre les Etats-Unis et l’Iran augmente depuis la liquidation du général Soleimani. Dans les trois cas, la méthode choisie par le président Trump est mise en échec.

Il est loin d’avoir «gagné» la guerre qu’il livre à la Chine et a dû se résoudre à un modeste compromis, alors même que les pays industrialisés partagent ses critiques des pratiques dommageables de Pékin et prennent conscience des menaces que fait peser la Chine sur l’Occident. L’offensive de charme du président Trump envers Pyongyang a tourné court et il se retrouve maintenant, tout comme ses prédécesseurs, impuissant à enrayer la montée en puissance de la force nucléaire de la République populaire et démocratique de Corée. Enfin, partisan affiché du désengagement américain au Moyen-Orient, il a provoqué la pire crise dans la région depuis la guerre d’Irak en 2003.

Prise de décision ahurissante

Les tensions accrues avec l’Iran et avec l’Irak l’obligent à envoyer des renforts dans les bases américaines du Golfe. Comme le relève Richard Haas, un ancien responsable du Département d’Etat, les Etats-Unis s’en tenaient jusqu’à présent à des sanctions de nature économique envers l’Iran, même après les attaques armées des pasdarans de l’été dernier contre des pétroliers passant le détroit d’Ormuz, contre des installations pétrolières saoudites ou lorsqu’ils ont abattu un drone américain. Depuis le 27 décembre 2019, date des premières représailles américaines contre les forces pro-iraniennes en Irak, qui ont tué ou blessé des soldats américains, les Etats-Unis répondent désormais aux provocations iraniennes par des mesures d’ordre militaire.

Dans un conflit asymétrique, les protagonistes doivent bien mesurer les conséquences directes et indirectes de leurs actions. Le siège de l’ambassade américaine à Bagdad par des milices pro-iraniennes, avec sa douloureuse valeur symbolique, appelait évidemment des contre-mesures américaines. Mais ce qu’on sait de la prise de décision de Donald Trump dans le lancement du drone qui a pulvérisé la voiture du général Soleimani est ahurissant: c’était l’option la plus extrême que lui proposait son ministre de la Défense, qui pensait qu’elle serait rejetée bien qu’elle fût évoquée dans la presse. Mais le président l’a retenue d’instinct, sans consulter personne, sans en passer par les procédures établies du Conseil national de sécurité, sans informer le Congrès alors même que l’assassinat du commandant des forces révolutionnaires iraniennes allait à coup sûr mettre le feu aux poudres. Car comme le dit un twitteur, on sait depuis plus d’un siècle que l’on ne tue pas impunément un archiduc…

Que maîtrise Trump?

Les alliés des Etats-Unis ont aussitôt appelé à la désescalade et à la retenue de part et d’autre, tout en proclamant après coup leur solidarité avec les Américains. Entre-temps le parlement irakien réclame le départ des troupes américaines d’Irak. Après le retrait de la Syrie dû à l’insistance de la Turquie, avec laquelle les relations sont loin d’être au beau fixe, la sortie forcée des Américains d’Irak donnerait une victoire inespérée à l’Iran. Elle faciliterait à terme la résurgence de «l’Etat islamique» qu’ils étaient venus combattre. Mais les Etats-Unis tiennent financièrement à bout de bras le gouvernement de Bagdad, ce qui devrait leur éviter l’humiliation d’être chassés de Mésopotamie d’un jour à l’autre.

Désormais, les observateurs s’attendent à une série d’actions de l’Iran visant les intérêts américains au moment choisi par Téhéran, qui a repris d’autre part sa liberté dans la production d’uranium enrichi. Certains des plus expérimentés parlent d’un risque de guerre, même si aucune des parties ne le veut vraiment. Mais Trump maîtrise-t-il encore la situation?

About this publication