Iran and the United States: The Time of Warmongers

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Iran-Etats-Unis : l’heure des faucons

Editorial. Trois jours après l’assassinat de l’architecte de la politique régionale iranienne, le général Ghassem Soleimani, par les Etats-Unis, vendredi 3 janvier à Bagdad, les tensions s’accumulent au Moyen-Orient à de multiples niveaux. La surenchère qui se joue entre Téhéran et Washington, et, au-delà, de Bagdad à Beyrouth, a déjà produit un effet particulièrement néfaste : celui de renforcer les durs dans l’ensemble des camps.

En Iran, l’ampleur des manifestations qui ont marqué dimanche les funérailles du général Soleimani traduit inévitablement un renforcement du régime, qui avait pourtant dû répondre récemment par une répression féroce à une vague de contestation populaire pratiquement sans précédent. Le pouvoir iranien a annoncé dimanche soir, comme on pouvait s’y attendre, qu’il s’affranchissait de la limitation d’enrichissement d’uranium que lui imposait l’accord multilatéral sur le nucléaire conclu en 2015, accord dénoncé par le président Donald Trump en 2018.

Le ministre iranien des affaires étrangères, Javad Zarif, a certes pris soin de conserver un minimum de marge de manœuvre diplomatique, mais la voix modérée qu’il était censé représenter au sein du régime, avec le président Rohani, n’est plus de mise. L’heure est aux discours guerriers : la riposte de l’Iran sera « assurément militaire et contre des sites militaires » américains, a promis le conseiller militaire du Guide de la révolution.

En écho à ces menaces, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, puissant allié régional de la République islamique, a promis dimanche « un juste châtiment » qui visera « la présence militaire américaine dans la région ».

Champ libre à l’organisation Etat islamique

Au cœur de la tourmente, l’Irak, écartelé entre Téhéran et Washington, déjà fragilisé avant les événements de ces derniers jours par une crise politique et un mouvement de protestation populaire de grande ampleur, semble choisir : le Parlement de Bagdad a demandé dimanche le départ des troupes américaines. La décision est à présent entre les mains de l’exécutif irakien.

A Washington, la rhétorique trumpienne semble ne plus connaître aucune limite. Critiqué pour avoir menacé d’attaquer, parmi les 52 cibles sélectionnées en cas de nouvelle escalade, des hauts lieux de la culture iranienne, le président américain est revenu sur cette menace – pour la renforcer. La riposte des Etats-Unis, assure-t-il, sera « disproportionnée ». M. Trump a été applaudi par Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, qui a fait de l’Iran son ennemi numéro un. Le président américain a également menacé Bagdad de « très lourdes sanctions » si l’Irak expulsait les forces américaines de son territoire.

Celles-ci, fortes de quelque 6 000 hommes, sont déployées en Irak dans le cadre de la lutte de la coalition internationale, menée par les Etats-Unis, contre l’Etat islamique (EI). Le commandement américain a annoncé dimanche que cette lutte était suspendue, afin de permettre aux troupes américaines de se concentrer sur leur propre protection. C’est, là aussi, une décision aux conséquences potentiellement très graves : celles de laisser le champ libre à l’EI qui, déjà, se renforce en Syrie et en Irak le long de la vallée de l’Euphrate.

C’est l’une des grandes préoccupations des Européens, qui voient non seulement les chances de sauver l’accord sur le nucléaire iranien quasiment anéanties, mais doivent affronter la perspective d’une résurgence de l’EI. Leurs tentatives de désescalade seront les bienvenues, si tant est qu’elles puissent être audibles.

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