Le mauvais exemple de la démocratie américaine
Editorial. Pressions sur l’appareil judiciaire, attaques virulentes de ses opposants et des journalistes… par ses méthodes, Donald Trump ne cesse de mettre à l’épreuve les garde-fous du système politique américain, quitte à l’affaiblir.
Editorial du « Monde ». Rarement profession de foi aura sonné aussi faux. Dans un plaidoyer sur les valeurs occidentales visant à resserrer le lien transatlantique, devant la conférence sur la sécurité de Munich, samedi 15 février, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a invoqué l’Etat de droit et l’attachement des Etats-Unis à la démocratie.
L’Ouest, cette communauté née de la guerre froide, est en bien meilleure santé que ne le prétendent certains en Europe, a assuré M. Pompeo. « L’Occident est victorieux. La liberté et la démocratie sont victorieuses. Nous respectons l’Etat de droit. »
Si ces arguments étaient efficaces à l’époque où l’unité du « bloc » occidental se forgeait autour du leadership américain contre l’idéologie soviétique, ils sont, malheureusement, de moins en moins crédibles lorsqu’ils émanent de l’équipe du président Donald Trump. Alors que les démocraties européennes sont secouées par la montée des mouvements populistes et des partis d’extrême droite, les Etats-Unis apparaissent non plus comme les promoteurs de la démocratie libérale, mais, au contraire, comme la matrice de cette contestation « illibérale ».
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La célèbre « cité scintillante sur la colline » qui attirait les pèlerins au bout de leur odyssée transatlantique, vantée par le président Ronald Reagan, a été remplacée par le « trumpisme », une forme très personnelle d’exercice du pouvoir, qui met constamment à l’épreuve les garde-fous du système politique américain, les fameux checks and balances.
Tentatives d’instrumentalisation du personnel diplomatique
Dans la seule semaine écoulée, Donald Trump, renforcé par son acquittement dans un procès en destitution dont il a contesté toutes les règles, a défendu sa pratique d’interventions publiques dans le système judiciaire ; à son ministre de la justice, l’attorney général William Barr, qui se plaignait de ne pas pouvoir travailler sereinement dans un environnement où les Tweet présidentiels venaient sans cesse troubler l’enquête sur les interférences russes dans l’élection présidentielle de 2016, M. Trump a réaffirmé son « droit légal » de « faire ce qu’[il] voulait en tant que président ». On peut difficilement imaginer contradiction plus flagrante du principe démocratique de séparation des pouvoirs.
Le chef de l’exécutif américain a également remis en cause la pratique, très établie, de faire partager à ses équipes l’écoute de ses entretiens téléphoniques avec des dirigeants étrangers, source de sa mise en accusation dans le procès en destitution. Les auditions au Congrès dans le cadre de cette procédure ont par ailleurs mis en lumière des tentatives systématiques d’instrumentalisation du personnel diplomatique à des fins de politique intérieure qui ne sont pas à l’honneur de M. Pompeo, censé le protéger.
Ce ne sont que les derniers exemples des accrocs de l’administration Trump à ce que l’on appelle l’Etat de droit en démocratie, et qui correspond essentiellement au respect des règles issues de la Constitution. Plus généralement, le trumpisme est marqué par un climat permanent d’insultes et d’attaques personnelles contre les représentants de l’opposition et par le déni des faits et de la vérité comme base de l’information ; les journalistes, quant à eux, sont dénoncés comme « ennemis du peuple ».
Ce n’est pas exactement ce que l’on peut qualifier de « victoire de la liberté et de la démocratie ». Par ses méthodes, M. Trump les rend, au contraire, plus vulnérables face aux régimes qu’il prétend contrer.
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