Donald Trump, l’anti-européen
ÉDITORIAL
Le Monde
Editorial. Le président américain a décidé, jeudi 12 mars, d’interdire l’accès aux Etats-Unis pendant un mois aux personnes venant des 26 pays membres de l’espace Schengen, sous prétexte d’empêcher la propagation du coronavirus. Une décision aberrante.
Editorial du « Monde ». Le coronavirus a permis à Donald Trump de réaliser enfin son rêve : mettre l’Europe en quarantaine. En décidant, jeudi 12 mars, de fermer la porte du territoire des Etats-Unis pendant un mois aux personnes venant des 26 pays membres de l’espace Schengen, sous prétexte d’empêcher la contamination de ses compatriotes par ce qu’il appelle « un virus étranger », le président américain a trahi, une fois de plus, son hostilité viscérale à l’égard de l’Union européenne.
Cette décision est pitoyable à plusieurs égards. Dans sa forme, d’abord : prise sans la moindre concertation avec les gouvernements des pays concernés et mise en œuvre dans un délai de moins de quarante-huit heures, elle a semé le chaos dans les aéroports, les compagnies aériennes, déjà lourdement mises à l’épreuve, les représentations consulaires, sur les places boursières et parmi des centaines de milliers de voyageurs.
Dans son champ d’application, ensuite : l’Irlande et le Royaume-Uni, sans doute ici récompensé pour le Brexit, sont exclus de cette mesure. Mais, hormis le fait que Donald Trump possède des domaines hôteliers avec terrains de golf dans ces deux pays, cette exception ne repose sur aucun argument scientifique ; si la progression du Covid-19 au Royaume-Uni semble avoir quelques jours de retard sur la France, elle est sur la même trajectoire, et c’est d’ailleurs à Londres que Sophie Trudeau, la femme du premier ministre canadien, l’a contracté.
Rejet de toute solidarité
En matière d’efficacité, enfin, la fermeture des frontières est une tentative dérisoire d’empêcher la propagation du virus. Selon l’OMS, les restrictions à la circulation des biens et des personnes « sont généralement inefficaces et risquent de détourner les ressources d’autres tâches ». Le mépris du président américain pour les recommandations des institutions multilatérales n’est, hélas, un secret pour personne.
Politiquement, le message ainsi adressé par M. Trump est aussi limpide que ses ressorts sont confus. C’est un message de nationalisme, de repli des Etats-Unis derrière leurs frontières, et de rejet de toute solidarité avec un continent supposé être leur premier allié. Un message dans la droite ligne de la doctrine « America First », dont les dégâts faits sur les relations transatlantiques depuis trois ans ne semblent guère embarrasser le président.
Ce message, cependant, masque mal une autre explication. La recherche d’un bouc émissaire étranger pour faire oublier les difficultés internes est un procédé éculé du registre populiste. M. Trump a d’abord accusé la Chine d’avoir créé le coronavirus, puis il en a sous-estimé la menace pour sa propre population. Aujourd’hui, soucieux de dissimuler sa mauvaise gestion de l’épidémie, à moins de neuf mois d’une élection présidentielle qui se présente beaucoup moins bien pour lui si l’économie subit de plein fouet l’impact du coronavirus, il a trouvé le coupable idéal : l’Union européenne, qui n’a pas su se protéger de la Chine.
L’UE a, pour la forme, dénoncé cette décision « prise unilatéralement et sans consultation ». Alors que les Etats-Unis président le G7 cette année, il a fallu que ce soit le président Macron qui demande à M. Trump, vendredi, d’organiser une réunion exceptionnelle du G7. Celle-ci aura lieu lundi, par visioconférence, pour tenter de coordonner la riposte économique. Mais que les Européens ne se fassent pas d’illusions : c’est à eux, et à eux seuls, de s’organiser ensemble pour faire face à cette terrible crise.
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