Trump and the World Health Organization: A Dangerous Game

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Trump et l’OMS : un jeu dangereux

Pour faire oublier ses propres erreurs, le président américain veut faire croire que la Chine et l’OMS sont responsables de la tragédie qui s’abat sur son pays.

Pendant la pandémie, le travail de démolition continue. Comme une locomotive lancée à pleine vapeur et dont les freins ont lâché, Donald Trump est incapable de s’arrêter : ses compatriotes livrent un combat désespéré pour enrayer la progression d’un virus qui tue aux Etats-Unis plus encore qu’ailleurs, la première économie du monde s’effondre et la quasi-totalité de la planète est en proie à une crise sanitaire qui a déjà touché plus de deux millions de personnes. Mais le président des Etats-Unis ne trouve rien de mieux à faire que de suspendre la contribution américaine à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), celle qui, précisément, est chargée de la coordination de la lutte contre cette pandémie.

Avec quelque 500 millions de dollars versés en 2019, les Etats-Unis sont les plus gros contributeurs de l’OMS, à la fois par leur quote-part et par les contributions volontaires destinées à des projets spécifiques. Ces montants équivalaient, en 2018, à 22 % du budget de l’organisation.

La gestion de la crise du coronavirus par l’OMS est loin d’être irréprochable. Comme l’ont montré les enquêtes du Monde depuis janvier, la Chine a réussi à influer sur certaines de ses décisions et à retarder des annonces sur la transmission du virus entre humains qui auraient sans doute sauvé des vies si elles étaient arrivées plus tôt. L’ironie a voulu que Taïwan, écartée de l’OMS en raison de l’opposition de Pékin, ait mené une stratégie exemplaire contre l’épidémie. Mais l’heure du bilan viendra plus tard. Le président Trump est particulièrement mal placé pour décider de punir l’OMS sous prétexte qu’elle a « gravement failli dans la gestion » de la pandémie et qu’elle en a « dissimulé la propagation », lui qui a maintenu que la situation était sous contrôle aux Etats-Unis jusqu’à ce qu’il lui devienne impossible de nier l’évidence.

La pire idée

Interrompre le financement de l’OMS en plein milieu de la bataille contre une crise sanitaire mondiale est la pire idée qu’un dirigeant politique puisse avoir. Pour le philanthrope Bill Gates, ex-patron de Microsoft, dont la fondation est le deuxième contributeur de l’OMS après les Etats-Unis et qui vient de faire don de 100 millions de dollars pour la recherche sur les vaccins et les traitements contre le virus, la décision du président Trump est « particulièrement dangereuse » : les efforts déployés par l’OMS, a-t-il tweeté, « sont en train de ralentir la progression du Covid-19 ; si ce travail est arrêté, aucune autre organisation n’est là pour prendre le relais. Le monde a besoin de l’OMS comme jamais ».

« C’est le moment de se montrer solidaire, pas de saper la coopération multilatérale », a dénoncé la Commission européenne. M. Trump exècre le multilatéralisme et, pour faire oublier ses propres erreurs de jugement, il veut faire croire à ses électeurs que la Chine, d’où est partie l’épidémie, et l’OMS sont responsables de la tragédie qui s’abat sur l’Amérique. Après avoir traité la menace du coronavirus avec désinvolture, Donald Trump, qui ne quitte jamais des yeux l’échéance de l’élection présidentielle du 3 novembre, paraît aujourd’hui nerveux, tient d’interminables briefings quotidiens sur la crise, attise la tension, entre en conflit avec les gouverneurs des Etats fédérés. Cela ne lui suffit pas. Aujourd’hui, en fragilisant un peu plus la coopération internationale pour servir ses propres intérêts, c’est le monde entier qu’il met en danger.

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