United States: On the Sources of the Unrest

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Etats-Unis : aux sources de l’embrasement

ÉDITORIAL

Le Monde

La colère qui embrase les villes américaines trouve ses racines dans la répétition de la violence policière et les inégalités mises en évidence par le coronavirus.

Il y a de nombreuses raisons à l’explosion de colère qui a embrasé les cités américaines à la suite de la mort de George Floyd, un Afro-Américain de 46 ans, au cours de son arrestation par la police, lundi 25 mai, à Minneapolis (Minnesota).

Il y a d’abord les conditions mêmes de l’arrestation de George Floyd, interpellé parce qu’il était soupçonné d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars. Plaqué à terre devant le véhicule des quatre policiers intervenus, il a été étouffé par le genou de l’un d’entre eux, maintenu avec force sur sa gorge alors qu’il disait qu’il ne pouvait plus respirer.

« Je ne peux pas respirer » : ces mots, entendus par des témoins de la scène, sont les mots exacts d’un autre Afro-Américain, Eric Garner, mort à la suite de son arrestation par la police, il y a six ans. Eric Garner avait 44 ans et vendait des cigarettes sur un trottoir de New York. Il est mort pendant son interpellation, après avoir répété onze fois « Je ne peux pas respirer » au policier qui lui enserrait le cou de son bras pour le maîtriser. La similitude entre ces deux cas de violence policière est sans doute la deuxième raison de l’explosion de colère, même si, contrairement à l’affaire Garner, le policier blanc, présumé responsable de la mort de George Floyd, a été mis en examen pour meurtre.

Mais – et c’est la troisième raison – George Floyd et Eric Garner ne sont pas des victimes isolées. La liste est trop longue pour la donner ici, de ces hommes noirs américains, de tous âges, régulièrement victimes de rencontres qui ont mal tourné avec la police, de gâchettes faciles dans un pays où l’on porte une arme à feu comme un accessoire de routine, ou simplement de racisme ordinaire. Trop de mères de famille de la communauté afro-américaine doivent enseigner à leurs fils dès la première adolescence comment se comporter dans la rue pour ne pas éveiller de soupçons et ne pas risquer d’être, à leur tour, la cible de bavures ou de méprises. Trop de joggers noirs dans les grandes villes savent que se couvrir la tête de la capuche de leur sweat-shirt ou ignorer, parce qu’ils ont des écouteurs sur les oreilles, un avertissement sonore à s’arrêter de courir les expose à mettre leur vie en péril.

Innombrables et accablantes vidéos

L’ampleur de cette injustice a longtemps été un fait structurant de la conscience noire aux Etats-Unis. Elle est désormais, grâce aux innombrables et accablantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, connue de tous. Des mesures ont été prises ; les voitures de police sont elles-mêmes équipées de caméras pour filmer les interpellations et le recrutement au sein des forces de police a été amélioré pour tenir compte de la diversité ethnique. Un mouvement de protestation, Black Lives Matter (« les vies noires comptent »), a réussi à marquer les esprits au niveau national. Les Américains ont même élu, deux fois, un président noir, Barack Obama.

Cela ne suffit pas. Un autre facteur, sous-jacent, explique la colère : la disproportion dans la répartition ethnique des quelque 100 000 victimes de l’épidémie de Covid-19 aux Etats-Unis. Les Afro-Américains ont été deux fois et demie à trois fois plus nombreux à mourir du virus que les membres des communautés blanche, latino et asiatique. Les Noirs américains concentrent plus de facteurs de comorbidité, comme le diabète et l’obésité, que les autres, parce qu’ils concentrent aussi plus de pauvreté. C’est la réalité criante des inégalités. Le président Trump ne peut plus aujourd’hui l’ignorer.

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