Trump vs. Twitter (and the Rest)

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Trump vs Twitter (et les autres)

Et si, cette fois, Donald Trump était allé trop loin ?

Depuis quatre ans, on ne compte plus le nombre de fois où l’actuel occupant de la Maison-Blanche a dépassé des limites au-delà desquelles sa présidence paraissait condamnée.

Jusqu’à maintenant, il a toujours pu rebondir. Mais sa réponse à la vague de colère soulevée par la mort de George Floyd, cet Afro-Américain asphyxié à mort par un policier de Minneapolis, laisse penser que cette fois, on a peut-être atteint un point de bascule.

En appelant l’armée à intervenir contre son peuple, et en publiant un appel à la violence sur Twitter, Donald Trump a suscité une onde de choc sans précédent.

Il vient d’être désavoué par son propre secrétaire de la Défense, Mark Esper, qui a refusé de déployer l’armée contre les manifestants.

Son prédécesseur James Mattis en a remis en blâmant durement Donald Trump, « premier président qui n’essaie pas d’unir son peuple, et ne fait même pas semblant d’essayer ».

Méchant désaveu pour un président qui a toujours cherché à s’appuyer sur le prestige militaire. D’autres gestes venant de l’intérieur de l’appareil étatique symbolisent le malaise profond devant le discours haineux de Donald Trump. Les policiers qui s’agenouillent à New York, à Philadelphie et ailleurs. Un officier de la garde nationale qui dit aux manifestants qu’il « souffre avec eux ». Un shérif qui rallie la marche des protestataires, ceux que Donald Trump traite de terroristes. Autant de signes d’une rupture entre une Maison-Blanche repliée sur sa hargne et des segments influents de la société américaine.

Un autre signe de cette coupure, ce sont les tensions entre le président Trump et certains réseaux sociaux, particulièrement Twitter.

Le conflit a éclaté après une salve de « tweets » dans lesquels le président insinuait que l’animateur Joe Scarborough a pu jouer un rôle dans la mort de son ancienne collaboratrice Lori Klausutis. Twitter a refusé de retirer ces publications, mais quand Donald Trump a affirmé que le vote par correspondance constituait une porte ouverte à la fraude, la publication a été coiffée de l’avertissement : vérifiez les faits.

Lorsque le twitteur planétaire en chef a réagi aux manifestations suivant le mort de George Floyd par cette phrase lourde de menaces – « Quand le pillage commence, les fusillades commencent » –, le réseau a décidé de masquer la publication, puisqu’elle constituait une apologie de la violence, pratique contraire à la politique de la maison.

Et enfin jeudi dernier, un haut dirigeant de Twitter, Nick Pickles, a laissé entendre que l’entreprise pourrait aller jusqu’à fermer le compte du président. Du jamais vu.

Le réseau Snapchat a lui aussi pris Donald Trump de front, en affirmant que ses publications ne seraient plus diffusées sur son fil de nouvelles. Pour l’instant, Facebook ne bouge pas et son PDG Mark Zuckerberg continue à brandir la liberté d’expression pour justifier son inaction devant la logorrhée haineuse de Donald Trump.

Mais l’argument ne passe plus auprès de ses propres troupes, et il a généré un vent de fronde à l’interne.

Twitter, Facebook ou Snapchat ne sont pas là pour faire de la politique, mais des affaires. Si Twitter a réagi plus vite que Facebook, c’est peut-être parce que ses abonnés sont plus progressistes que ceux de son concurrent, suggère Rafael Jacob, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.

C’est la pression exercée par ses adhérents qui a poussé Twitter à confronter Trump. La pression de ses employés poussera-t-elle Facebook à suivre l’exemple ? Peut-être pas. Mais les images horribles d’un policier le genou enfoncé dans le cou d’un homme, les mains dans les poches, ont causé un traumatisme profond dont la signification, manifestement, échappe au président américain. Il est peut-être en train de payer le prix de cette incompréhension.

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