The Colors of the World

<--

Les couleurs du monde

Les théories humanistes portées par de grands penseurs et philosophes du XXe siècle particulièrement n’ont en rien mis fin aux débats sur les questions raciales, encore moins à la certitude d’une certaine catégorie de personnes qu’il existe une race supérieure à toutes les autres.

Ceux qui avaient eu la faiblesse de croire que les bons chrétiens d’Amérique du Nord seraient les premiers à défendre le principe que les hommes sont égaux et sur terre et devant le créateur sont sidérés de voir qu’ils sont en première ligne pour soutenir des théories suprématistes, racistes et exclusivistes. Le président américain actuel, candidat pour un second mandat, a délié toutes les langues et permis de donner libre cours à un extrémisme qui était toujours en soubassement.

Aujourd’hui, les plus lucides ont peur pour cette Amérique qui se l’a toujours joué « exemplaire » parce qu’ils savent qu’il est impossible, qu’il ne faut même pas tenter, de retourner aux temps de la ségrégation d’État qui n’est d’ailleurs pas si vieux dans l’histoire américaine.

L’Amérique qui ne peut plus faire rêver sent le racisme dans ses os quand elle va se coucher le soir et quand elle se réveille le matin, on peut difficilement imaginer Jacques Brel chanter aujourdhui :

« Madeleine c’est mon Noël,

c’est mon Amérique à moi,

même qu’elle est trop bien pour moi

comme dit son cousin Joël… »

Hélas, il n’y a pas qu’en Amérique que la parole et les actes racistes font florès, les dirigeants comme les citoyens se lâchent un peu partout et cela va jusqu’à des assassinats odieux. Un acteur africain de 39 ans, Bruno Candé, a été froidement abattu par un septuagénaire blanc au Portugal ; ce dernier a déclaré lors de son incarcération : « Des comme lui, j’en ai tués plein en Angola. »

Le monde actuel invite chacun à regarder sa couleur, interroger ses origines et les motivations de ceux qui exacerbent les questions raciales. Tout le monde, à un titre ou à un autre, est concerné par le débat, on est bien d’un lieu et d’une couleur. Les antagonismes ont encore de longs siècles devant eux.

Sous des prétextes économiques, alors que les travailleurs immigrés ont toujours porté l’économie, les États-Unis ferment leurs frontières et tous les prétextes sont bons pour que même des étudiants ne puissent plus y venir.

Le multiculturalisme rendait ce pays attrayant, unique en son genre. Quand le président des États-Unis signe un « décret exécutif sur l’alignement des pratiques fédérales de passation de marchés et d’embauche avec les intérêts des travailleurs américains », c’est toute la légende de l’Amérique qui s’en va à vau-l’eau, ce pays où l’on se réalise à force de travailler, même si nous savons tous ce qui se cache véritablement, la violence du capitalisme et du libéralisme, pour la plupart des immigrés, derrière cette « réalisation », et combien de corps et d’âmes sont passés par la trappe à force de bosser matin et soir.

Quelques avatars sont nés, touchés par le postillon des discours intégristes. Du nord au sud de l’Amérique et jusqu’en Asie. Plus les discours sont assassins, vulgaires, intégristes, populistes, plus ils rameutent l’extrême droite carnassière, nostalgique de certains ordres anciens ou d’un monde qui fonctionnerait selon un seul point de vue.

Certaines œuvres, même quand elles n’ont aucune qualité, sont portées longtemps par leurs auteurs, jusqu’à ce qu’elles fatiguent pour de bon le plus indulgent des publics. Le mépris de l’autre, l’ignorance, l’exclusion ne feront qu’infecter les blessures même pas cicatrisées laissées par les déportations, l’esclavage, les exactions du Klu Klux Klan, le mouvement pour les droits civiques et les bavures quotidiennes contre les minorités.

La pandémie de Covid-19 n’aura pas révélé que les fragilités de chacun, elle démasque et rétablit bien des vérités sur le rapport à la richesse, la liberté, et invite à construire d’autres équilibres pour éviter que le monde s’effondre.

About this publication