The Fall of Steve Bannon

 

 

 

<--

L’ancien conseiller stratégique de Donald Trump, un moment égérie de certaines figures de la droite radicale européenne, risque la prison pour détournement de fonds. Une descente aux enfers symbolique.

Qui l’eût cru ? On le disait révolutionnaire, artisan de la victoire électorale puis éminence grise de Donald Trump, on le croyait stratège de génie. On avait redouté son influence sur les mouvements populistes européens. Objet de tous les fantasmes en ces temps politiques troublés, Steve Bannon n’était peut-être, finalement, qu’un simple escroc.

L’étoile de l’ex-gourou de l’alt-right américaine avait, il est vrai, sérieusement pâli ces derniers temps. Elle s’est abîmée, jeudi 20 août, devant un tribunal de New York, où Steve Bannon, 66 ans, a été mis en examen pour détournement de fonds, après avoir été interpellé sur le yacht d’un milliardaire chinois exilé. Il a été libéré sous contrôle judiciaire, en échange d’une caution de 5 millions de dollars (4,24 millions d’euros), et risque la prison.

L’ironie de l’acte d’accusation n’a échappé à personne à Washington, où l’ex-chef de la campagne du candidat Trump, devenu son conseiller stratégique, avait été la bête noire de l’establishment : Steve Bannon et ses trois acolytes, poursuivis dans la même affaire, sont accusés d’avoir détourné de l’argent collecté auprès du public pour financer la construction du fameux mur anti-immigration sur la frontière mexicaine.

La construction de ce mur était l’une des grandes promesses de la campagne présidentielle de Donald Trump, en 2016. Le Mexique paierait le mur, assurait le candidat, sachant très bien que le Mexique ne paierait pas. Lorsque le Congrès a refusé de voter les fonds nécessaires, les partisans de M. Trump ont fait appel à la générosité des électeurs en lançant la campagne « We Build the Wall ». L’association ainsi créée a rapidement levé auprès de 500 000 donateurs plus de 25 millions de dollars dont, selon le parquet, moins de la moitié a réellement servi à la construction de deux pans de mur, au Texas et au Nouveau-Mexique. Le reste a été utilisé à des fins privées ; Steve Bannon aurait ainsi disposé de 1 million de dollars pour ses dépenses personnelles.

De nombreux commentateurs américains voient dans cet épilogue un symbole de la présidence Trump elle-même et de ses promesses non tenues, alors que son slogan « Make America Great Again » se fracasse sur la crise due au Covid-19, à la veille de l’élection. Promoteur du concept des « faits alternatifs » dans une ère médiatique où la vérité a été particulièrement malmenée, Steve Bannon a rejoint la cohorte d’amis ou d’anciens amis du président aujourd’hui en délicatesse avec la justice. Donald Trump a accueilli la nouvelle de sa mise en examen en indiquant froidement qu’il ne le voyait plus depuis longtemps ; le conseiller stratégique avait été écarté de la Maison Blanche au bout de sept mois.

Steve Bannon avait ensuite jeté son dévolu sur la droite radicale européenne. Il ambitionnait de l’unifier dans un grand mouvement qui devait mettre à bas l’Union européenne, à l’occasion des élections européennes de mai 2019. « Les mouvements de droite populiste et nationaliste vont gagner, avait-il prédit. Ils vont gouverner. » Certains, comme Marion Maréchal ex-Le Pen et Marine Le Pen, qui salua son discours « instructif et enthousiasmant » au congrès du Front national auquel elle l’avait invité, en 2018, crurent trouver là la recette du modèle Trump à reproduire. Mais l’Europe n’est pas l’Amérique. Le Hongrois Viktor Orban et l’Italien Matteo Salvini se contentèrent de le rencontrer. Les extrémistes allemands et scandinaves le trouvèrent trop sulfureux. Steve Bannon remballa ses mythes « enthousiasmants », et on l’oublia.

About this publication