Kamala Harris, a Powerful Woman at Joe Biden’s Side

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Kamala Harris, une femme puissante aux côtés de Joe Biden

Joe Biden a choisi une colistière avec un solide réseau financier, une forte personnalité et une histoire inspirante, même si son positionnement idéologique reste flou et si sa carrière passée ne fait pas l’unanimité.

Y aurait-il déjà un “effet Kamala Harris” ? Vingt-quatre heures après avoir dévoilé le nom de sa colistière dans la course à la Maison Blanche, Joe Biden a récolté 26 millions de dollars supplémentaires. Les 60 minutes qui ont suivi l’annonce, mardi, ont même été les plus fructueuses en matière de levée de fonds pour la campagne du démocrate. Un excellent démarrage pour ce ticket aux profils complémentaires. “On le sent vraiment, l’enthousiasme”, a déclaré le candidat en voie de rattraper son retard financier par rapport à Donald Trump.

Kamala Harris, sénatrice de Californie depuis 2017, apporte avec elle son réseau de riches donateurs de la Silicon Valley qui s’étaient jusqu’ici montrés modérés dans leur soutien. A Wall Street également, le nom de l’heureuse élue a été bien reçu. Rien d’étonnant pour cette quinquagénaire à la carrière politique récente mais qui s’appuie sur des années de campagnes réussies pour le poste de procureure de district de San Francisco et de procureure générale de Californie. La presse américaine, qui a épluché les comptes du passé, a révélé que même Donald Trump et sa fille Ivanka avaient mis la main à la poche pour Kamala Harris en 2011 et 2014.

Le chef de l’Etat républicain a d’ailleurs été surpris par la sélection de cette dernière comme colistière. Selon son entourage, cité par Vanity Fair, il voyait plutôt la représentante discrète Karen Bass à cette fonction et s’est étonné que l’ex-vice-président Joe Biden choisisse une personne plus charismatique que lui pour occuper son ancien poste. “Kamala va être LA candidate. Elle va constamment lui faire de l’ombre. Dans trois à quatre semaines, Biden va réaliser son erreur stupide”, a confié un conseiller de Donald Trump.

Obama au féminin

Kamala Harris, souvent comparée à Barack Obama pour sa couleur de peau, son éloquence et son ascension rapide, a en effet peu l’habitude de rester en retrait. Mais à 77 ans, Joe Biden ne s’en cache pas : il se voit comme une figure de transition, un “pont entre générations”. S’il est élu en novembre, il ne fera qu’un mandat. Il propulse donc sa dauphine de 55 ans vers une potentielle candidature en 2024. Dans ce contexte, le choix d’une forte personnalité peut faire sens. Il a d’ailleurs prévenu sa partenaire qu’elle serait de tous les débats à la Maison Blanche, et la “dernière voix dans la pièce” au moment de trancher. Il avait passé ce même accord avec Barack Obama à l’époque.

Joe Biden a assuré mercredi que, contrairement à son rival, il n’avait pas peur d’avoir une “femme forte” à ses côtés. Plusieurs séquences de télévision sont restées dans les annales ces dernières années. D’abord en 2017, lorsque Kamala Harris avait passé sur le gril le prétendant à la Cour suprême Brett Kavanaugh, alors accusé d’agressions sexuelles. Face à ses questions pressantes et son regard déterminé, le juge n’en menait pas large. Joe Biden non plus, lorsqu’elle l’a épinglé, lors du premier débat des primaires démocrates, sur les questions raciales. Donald Trump s’appuie sur cette image autoritaire pour affirmer que Kamala Harris est une femme “méchante” et “horrible”.

Cette dernière tente pourtant d’afficher d’autres aspects de sa personnalité. Sa campagne n’hésite pas à la montrer en train de cuisiner joyeusement, de danser lorsqu’elle va à la rencontre des électeurs ou de s’esclaffer avec ses amis. On l’a vue souriante et émue, mercredi, lors du premier meeting commun avec Joe Biden. “Ma famille est tout pour moi. J’ai eu beaucoup de titres durant ma carrière et, bien sûr, vice-présidente sera super. Mais ‘Momala’ sera toujours celui qui m’est le plus cher”, a-t-elle déclaré. C’est comme ça que l’appellent les deux enfants de son mari, le riche avocat Douglas Emhoff. Le couple s’est connu lors d’un rendez-vous arrangé par des amis communs et s’est marié en 2014.

Flou idéologique

Politicienne à poigne ou belle-mère chaleureuse ? Kamala Harris veut faire coexister les deux images. On retrouve cette même dualité dans son positionnement idéologique. La gauche du Parti démocrate lui reproche d’être trop à droite. Donald Trump la qualifie au contraire de gauchiste “radicale”. Force est de constater qu’elle a moins fait campagne sur ses idées que sur sa personnalité. Lors de sa candidature aux primaires, elle a épousé de nombreuses propositions progressistes issues du camp Sanders/Warren, comme l’assurance santé universelle pour tous, le salaire minimum à 15 dollars de l’heure ou la réforme de la justice criminelle.

Opportunisme, ont crié ses détracteurs. En effet, sa réputation de fermeté lors de sa carrière de procureure lui colle toujours à la peau aujourd’hui. Ce n’est pas faute d’avoir tenté de s’en défaire. “Je sais que certains se sont demandé comment, en tant que femme noire, je pouvais supporter de faire partie de ‘la machine’ qui met davantage de jeunes hommes de couleur derrière les barreaux, a-t-elle écrit dans ses mémoires publiés en 2019. Il n’y a aucun doute sur le fait que le système de justice criminelle a de grosses failles et que fondamentalement, il ne fonctionne pas. Et il faut changer ça. Mais on ne peut pas négliger voire ignorer la douleur de cette mère, la mort de cet enfant ou ce meurtrier toujours en liberté. J’estime qu’il doit y avoir de sérieuses conséquences pour les gens qui commettent des crimes sérieux.”

Pour contrebalancer son image stricte, Kamala Harris met en avant sa bataille contre le trafic sexuel ou contre les grandes banques après la crise des subprimes. Elle fait valoir le programme “Back on Track” (“De retour sur les rails”) qu’elle a mis en place en Californie. Il visait à aider les petits délinquants à remonter la pente plutôt que de les abandonner à leur sort, souvent propice à la récidive.

Confiance en elle

“Elle a poussé pour des programmes qui ont aidé les gens à trouver du travail plutôt que de les mettre en prison, mais elle s’est aussi battue pour maintenir des personnes derrière les barreaux même après la preuve de leur innocence, nuance le site de gauche Vox. Elle a refusé de réclamer la peine de mort pour un homme qui avait tué un policier, mais elle a aussi défendu la peine de mort en vigueur en Californie devant les tribunaux. Elle a mis en place des programmes pour agir sur les préjugés raciaux de la police, mais elle a aussi refusé que son bureau enquête sur certaines fusillades commises par la police, malgré les appels en ce sens.”

Si certains à gauche n’ont pas pardonné son passé à Kamala Harris, Joe Biden compte aussi sur ce profil centriste pour mettre à l’aise les modérés voire les républicains déçus par Donald Trump, notamment les femmes diplômées des banlieues aisées, cette catégorie de l’électorat qui peut faire ou défaire une élection.

Il espère aussi que la nomination de Kamala Harris, d’origine jamaïcaine par son père et indienne par sa mère et qui, bébé, parcourait en poussette les manifestations pour les droits civiques, permettra de susciter l’enthousiasme de la communauté noire, un pilier du Parti démocrate qui avait délaissé les urnes avec le ticket Hillary Clinton-Tim Kaine en 2016. Mercredi, Joe Biden a évoqué les “petites filles”, notamment “les petites filles de couleur qui se sentent si souvent oubliées et sous-estimées”. Mais “aujourd’hui, peut-être, elles se voient différemment pour la première fois: avec l’étoffe d’un président ou d’un vice-président”.

Dans ses mémoires, Kamala Harris affirme que si, enfant, elle avait tant confiance en elle, c’est grâce à sa mère, décédée en 2009. Shyamala Gopalan Harris a quitté son Inde natale pour devenir cancérologue aux Etats-Unis. Elle a pris la garde de Kamala et sa petite sœur Maya après son divorce. “Ma mère avait très bien compris qu’elle élevait deux enfants noires. Elle savait que son pays d’adoption verrait Maya et moi comme des filles noires, et elle était déterminée à ce que nous devenions des femmes noires fières et confiantes.” Résultat ? “Je pensais que j’étais capable de tout faire.” Son parcours ne l’a jusqu’ici pas contredite.

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