Il était une fois en Amérique: Chaos à tous les étages
Alors que l’après 3 novembre suscite de nouvelles craintes, les émeutes pour dénoncer des injustices sociales reprennent. La dernière ligne droite avant l’élection promet bien des turbulences.
La démocratie américaine sombre un peu plus dans l’obscurité chaque jour, et cette semaine la pente a été particulièrement glissante. Il y a d’abord eu ces mots de Donald Trump, mercredi, qui ont déclenché de vives réactions, y compris au sein de son parti. A une question d’un journaliste lui demandant s’il était prêt à assurer une transition pacifique avec son successeur en cas de défaite le 3 novembre, il n’a pas répondu. Ou plutôt si, il a laissé entendre qu’il ne pouvait rien promettre: «Il va falloir que nous voyions ce qui se passe». Stupeurs et tremblements.
Il prépare le terrain
Est-ce surprenant? Pas vraiment. Donald Trump est le champion des réponses ambiguës, il fait tout pour ne pas démobiliser sa base électorale, et a surtout déjà déclaré à maintes reprises que les élections seront «truquées» à cause de «fraudes massives» qu’il impute au vote par correspondance. Il prépare donc le terrain depuis des semaines. Reste que même le leader du parti républicain au Sénat, Mitch McConnell, un fidèle parmi les fidèles, a dû assurer, jeudi, que le vainqueur serait respecté et qu’une transition «ordonnée» serait assurée, «comme tous les quatre ans depuis 1792».
Il a même fait adopter, à l’unanimité, une résolution non contraignante qui réaffirme ce principe. Voilà où on en est. Quant à Mitt Romney, républicain anti-Trump, il n’a pas mâché ses mots sur Twitter: «Le transfert pacifique du pouvoir est fondamental pour notre démocratie; sans cela, c’est la Biélorussie. Toute suggestion par un président qu’il puisse se soustraire à cette garantie constitutionnelle est à la fois impensable et inacceptable.»
Il y a le poids des images ensuite. Celles, incroyables, de Donald Trump, masqué, devant le cercueil de la juge Ruth Bader Ginsburg pendant que des manifestants crient «Vote him out!». Motivé par des calculs politiques, le président est pressé de remplacer la magistrate, au point d’annoncer le nom de sa candidate ce samedi déjà. Avant même que l’iconique RBG soit inhumée.
Dans les deux cas, Donald Trump ferait mieux de s’inspirer d’Abraham Lincoln, à qui il voue une admiration sans bornes. Le 23 août 1864, alors qu’il craignait ne pas se faire réélire (il avait tort), Abraham Lincoln écrivait: «Il sera alors de mon devoir de coopérer avec le président élu, afin de sauver l’Union…» Et cette même année, un juge à la Cour suprême, Robert Brooke Taney, est décédé quelques semaines avant l’élection, mais Lincoln n’a pas cherché à le remplacer avant.
Pendant ce temps, de nouvelles manifestations pour dénoncer les brutalités raciales et injustices sociales agitent des villes américaines. La famille de Breonna Taylor, tuée en mars dans le Kentucky alors que trois policiers avaient fait irruption chez elle en pleine nuit, vient d’obtenir un dédommagement record de 12 millions de dollars. Mais cette semaine, un seul policier a été inculpé. Pour «mise en danger de la vie d’autrui», parce que des tirs ont traversé l’appartement de voisins. Ceux dont les balles ont tué la jeune femme s’en sortent par contre sans aucune charge retenue contre eux. C’est cette Amérique-là aussi, qui s’apprête à voter.
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