ÉDITO
La dernière fois que nous avons confronté des écrivains à l’actualité brûlante du monde, c’était le 19 mars, alors que les Etats, les uns après les autres, fermaient leurs frontières et leurs lieux de vie pour mieux combattre le virus du Covid-19. A cette même place, la romancière turque Elif Shafak écrivait un vibrant éditorial contre les poisons du nationalisme et de l’autoritarisme. Nous étions loin d’imaginer alors que, sept mois plus tard, nous serions revenus au point de départ. Loin d’imaginer non plus à quel point la pandémie allait achever de désinhiber le président américain, un des membres les plus voyants de cette clique de dirigeants nationalisto-populistes qui entravent avec tant de hargne et d’assurance la marche du monde. Avec près de 218 000 morts, les Etats-Unis sont le pays le plus meurtri par la pandémie, un triste record dû pour beaucoup à l’attitude irresponsable de Donald Trump qui, depuis le début, nie avec force la dangerosité du virus, y compris depuis sa chambre d’hôpital quand il a fini par être touché. Une obstination qui commence à semer le doute au sein de la population américaine, dont une bonne partie lui restait acquise. Mais rien n’est joué, car l’homme est capable de tout et surtout du pire.
Pour mieux comprendre l’enjeu de ces élections hors norme, et surtout la peur, la colère qui semblent monter parmi les démocrates (au sens générique du terme), nous avons demandé à neuf écrivain(e)s américain(e) s ou vivant aux Etats-Unis de prendre la plume ou de répondre à nos questions. Ils représentent la diversité de la littérature américaine, entre récits, romans, essais, poésie et polars, grands espaces et métissages urbains. Certain(e)s ont déterré la hache de guerre contre Trump, à l’image de Siri Hustvedt qui, avec Paul Auster et leur fille, Sophie Auster, a lancé en août le mouvement Writers Against Trump qui rassemble plus de 1 800 écrivain(e) s déterminé(e)s à convaincre un maximum d’Américains d’aller voter «contre le racisme, la xénophobie et la misogynie de Trump, de son administration et du Parti républicain».
Saluons au passage nos confrères de la revue America qui, depuis quinze numéros, nous racontent le mandat de Trump à travers des témoignages d’écrivains et qui travaillent actuellement sur leur dernier opus. Pourquoi avons-nous tant besoin du regard et des mots des écrivains ? Parce que leur imaginaire se nourrit de la réalité, qu’ils ont une façon bien particulière de nous raconter le monde et ses soubresauts, a fortiori ceux de l’Amérique, dont la culture a longtemps irrigué la planète entière. Qui mieux que John Steinbeck ou Toni Morrison pour parler de la crise de 1929 ou des inégalités raciales ? Donald Trump est pour les écrivains contemporains une source de réflexion inépuisable, eux qui se disent en grande partie, pour reprendre les mots de Robin MacArthur, «si désespérés et si avides d’espoir.»
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