La justice américaine s’attaque enfin à Google
L’initiative américaine d’ouvrir une procédure contre Google pour abus de position dominante est bienvenue. Notamment pour conforter l’Union européenne dans sa lutte contre la puissance des Gafam.
Enfin ! En annonçant, mardi 20 octobre, l’ouverture d’une procédure antitrust contre le géant de l’Internet Google, le département américain de la justice, accompagné par onze Etats américains, a pris une décision attendue de longue date. Les soupçons d’abus de position dominante pèsent sur la firme de Mountain View, dans la Silicon Valley, depuis des années.
L’enquête vise l’activité de recherche en ligne et la publicité qui est liée à celle-ci. Le moteur de recherche concentre à lui seul plus de 80 % de parts de marché aux Etats-Unis. Le département de la justice accuse Google d’avoir « exercé illégalement un monopole » en faisant installer automatiquement son moteur de recherche sur les smartphones équipés d’Android, le système d’exploitation du groupe, mais aussi sur ceux d’Apple, qui verse des dividendes pour cela. Ces pratiques, estiment les autorités fédérales américaines, ont privé les autres moteurs de recherche des conditions normales de la concurrence et donc illégalement restreint « leur accès au marché, aux consommateurs, aux annonceurs et aux données ».
Il ne faut pas écarter le facteur électoral dans cette décision, annoncée dans la dernière ligne droite d’une campagne présidentielle américaine, dans laquelle le rôle des réseaux sociaux et des Big Tech a été beaucoup mis en cause. Il y a deux semaines, le comité antitrust de la Chambre des représentants avait déjà appelé à mieux encadrer ces entreprises. Le soutien transpartisan, dont l’ouverture de la procédure a bénéficié à Washington, montre à quel point le vent a tourné ces dernières années dans l’opinion. Celle-ci prend conscience que ces firmes créées par de jeunes génies de l’informatique dans des garages de la Côte ouest sont devenues des entreprises tentaculaires.
S’attaquer à cette spectaculaire domination
L’initiative américaine est bienvenue à plusieurs titres. D’abord, même si la bataille s’annonce longue, elle offre l’occasion au système judiciaire d’affronter la domination des Big Tech dans l’Internet. En 1998, l’Etat fédéral américain s’en était déjà pris à un autre de ces géants, Microsoft, accusé d’abus de position dominante. Le règlement à l’amiable négocié avec la firme de Bill Gates, après trois ans de procédures et de menaces de démantèlement, était censé assainir le paysage et ouvrir un marché authentiquement concurrentiel pour les start-up naissantes.
Mais celles-ci sont à leur tour devenues géantes sans que personne au département de la justice songe à s’en inquiéter. Aujourd’hui, les capitalisations boursières des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) atteignent des montants astronomiques. Cette puissance leur permet de racheter des concurrents et d’étendre leurs activités à des domaines de plus en plus nombreux. Il était donc plus que temps de s’attaquer à cette spectaculaire domination, qui s’est encore amplifiée avec la crise provoquée par la pandémie.
L’autre mérite de la plainte contre Google est qu’elle devrait permettre d’appliquer et d’adapter le dispositif antitrust américain à l’économie numérique, à ses critères et à ses spécificités. La décision du département de la justice replace l’Etat fédéral dans son rôle de régulateur de la concurrence face aux puissantes entreprises monopolistiques, rôle que de nombreux critiques lui reprochaient d’avoir délaissé. Cette initiative vient enfin conforter l’Union européenne dans sa lutte contre la puissance des Gafam, dont elle avait perçu bien plus tôt les dangers.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.