7 Days in the Foxhole

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Sept jours dans la renardière

Pendant une semaine, l’auteure s’est abreuvée exclusivement à Fox News pour la politique américaine. Regard critique sur la chaîne d’information en continu en pleine campagne présidentielle

Quelle étrange idée j’ai eue. Troquer une des chaînes de mon bouquet télévision pour Fox News, le temps d’une expérience d’une semaine. Celle de n’avoir que la chaîne controversée comme source d’informations télévisées pour tout ce qui est politique américaine.

J’ai commencé mon nouveau régime un mardi soir, à 21 h. J’ai donc remplacé Rachel Maddow et Céline Galipeau par Sean Hannity. Une transaction qui me paraissait déficitaire, dès la décision prise. Selon le magazine Forbes, l’émission Hannity était – à la fin du dernier trimestre – la plus écoutée des chaînes d’information en continu, en plus d’avoir eu les plus importantes cotes d’écoute de son histoire. En moyenne, elle fédérait 4,45 millions de personnes par soir. Deux autres émissions de Fox News se retrouvent sur le podium. Maddow de la MSNBC, elle, était bonne cinquième avec une moyenne de 3,3 millions de téléspectateurs.

Comme la juge Jeanine Pirro et autres animateurs à Fox News, Sean Hannity est flagorneur. Il est aussi le plus ardent facilitateur de Donald Trump. Le président américain lui accorde souvent des monologues camouflés en interviews, par téléphone. Ce soir-là, Trump, à la voix rauque et interrompue par ses propres toux, a appelé l’émission en direct, comme un amateur de sport appelle au 98,5FM pour commenter un match du Canadien de Montréal. Tout ce temps d’antenne gratuit lui sert de chaire d’église où il livre des sermons truffés de faussetés à des millions de paroissiens, et ses propos ne sont jamais remis en question par Hannity. Avec un salaire annuel de 25 millions de dollars américains par année, on pourrait s’attendre à plus d’efforts de l’animateur.

Ce ne sont pas seulement certains animateurs de Fox News qui sont inquiétants. Plusieurs de ses experts le sont aussi.

Très peu de temps après le début de mon expérience, je découvre le Dr Marc Siegel. Je le reverrai plusieurs fois à l’écran dans les prochains jours, surtout à la suite de l’annonce de la maladie du président, atteint de la COVID-19. Siegel en est le spécialiste à Fox News. Pour lui, le coronavirus est l’équivalent d’une grosse grippe qui n’atteint pas vraiment les jeunes et, toujours selon Siegel, il est presque impossible pour ceux âgés de moins de 70 ans d’en mourir. Je m’empresse de faire une recherche Google pour voir en quoi ce type est docteur. Cet ennemi de la science est bel et bien docteur en médecine et, en plus, il enseigne au centre médical Langone de la New York University. Siegel fait la promotion de l’hydroxychloroquine comme traitement contre la COVID-19, comme s’il était actionnaire de la compagnie pharmaceutique qui la fabrique.

Au lendemain du diagnostic de Trump, les animateurs de la matinale Fox & Friends semblent sûrs que le président va guérir rapidement et sans séquelles. « Il va s’en remettre, comme l’a fait The Rock ! », s’exclame l’un d’eux.

Le mois dernier, Dwayne « The Rock » » Johnson et toute sa famille ont été atteints du coronavirus. Johnson est une grande vedette de films d’action dans lesquels il fait plusieurs de ses propres cascades, en plus d’être un ancien lutteur professionnel. Il a un quart de siècle de moins que le président américain et son taux de graisse corporelle est de 10,5 %. Trump, lui, est obèse. Dire que la récupération du président sera la même que celle de The Rock est vulgaire, mais à Fox News, on n’arrête pas de le faire.

Comme à la Maison-Blanche, on semble croire à Fox News que plus on répète un mensonge, plus il se transforme en vérité. C’est l’origine de la codépendance qui existe entre les deux entités. Trump se nourrit de ce qu’il entend à Fox News et Fox News répète verbatim et très souvent, sans faire la vérification des faits, ce que dit le président. La chaîne d’informations qui se plaint sans arrêt des fake news est celle qui en est le plus responsable.

« J’ai fait plus en 47 mois que Joe Biden a fait en 47 ans ! » (Biden a été élu au Sénat en 1973.) Cette phrase que Trump et tous ses représentants récitent comme une leçon depuis le premier débat présidentiel, a aussi été répétée ad nauseam sur les ondes de Fox News. Tout comme « Make America great again ! », « Build the wall ! », « America First ! », « Lock her up ! » et « Fill the seat ! » – ces slogans de Trump qui résument son programme électoral et qui se brodent facilement sur des casquettes et sont aisément tweetables. Les supporters du président les portent fièrement en t-shirts, en plus de les scander lors des rassemblements. La force de Trump, c’est le packaging des messages. Et Fox News les amplifie. Ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme « Trump TV ».

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