In the Middle East, Biden Is the Lesser of Two Evils, But…

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Au jeu du « quel est le moins pire » pour le Moyen-Orient, la réponse devrait être évidente. Donald Trump est un populo-nationaliste dont l’action dans la région a eu pour principal effet de galvaniser les autocrates locaux et la droite israélienne. C’est le président américain qui sera allé le plus loin dans le soutien inconditionnel à l’Etat hébreu, offrant à Benjamin Netanyahu tout ce qu’il pouvait espérer : la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et celle de l’annexion du Golan, le plan Kushner, la fin des subventions américaines pour l’Unrwa, et bien sûr la normalisation avec trois nouveaux pays arabes (Émirats arabes unis, Bahreïn, Soudan). Certes, on peut considérer qu’il a surtout officialisé une réalité que beaucoup se refusaient à admettre. Mais la façon de faire laisse une toute autre impression et un goût nettement plus amer : celui que les normes internationales ne comptent pas lorsqu’il s’agit d’Israël ; celui que les Palestiniens n’ont pas de droits, pas même celui d’avoir voix au chapitre lorsqu’ils sont les principaux concernés. Au Moyen-Orient, c’est une constante de la diplomatie trumpienne – même si l’expression relève de l’oxymore : les peuples n’existent pas et les leaders locaux bénéficient d’un blanc-seing pour réprimer à tout va sur la scène intérieure à condition que cela ne heurte pas les intérêts américains. Et pendant quatre ans, les dictateurs du cru s’en sont donné à cœur joie, l’affaire Khashoggi en témoigne. Mohammad ben Salmane, Abdel Fattah al-Sissi ou encore Recep Tayyip Erdogan ont pu supprimer leurs opposants politiques par tous les moyens possibles et imaginables (parfois grâce à des méthodes qui vont même au-delà de l’imaginable) sans que le locataire de la Maison-Blanche ne feigne de s’en émouvoir.

Et pourtant, malgré tout cela, une partie non négligeable des populations libanaise, irakienne et syrienne voteraient demain pour Donald Trump si elles le pouvaient. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il a fait de l’Iran son principal ennemi dans la région, alors que l’administration Obama avait au contraire conclu un accord avec Téhéran et donné le sentiment de lui laisser les coudées franches pour étendre ses tentacules au Moyen-Orient. Pour ceux qui perçoivent la République islamique et ses alliés comme une menace existentielle, et ils sont nombreux, le mandat de Donald Trump ressemble à une bénédiction. C’est l’homme qui a réimposé des sanctions dures contre le régime iranien pour le mettre à genoux ; celui qui a fait supprimer le chef de la force al-Qods, le célèbre Kassem Soleimani, dans son jardin irakien ; celui qui est intervenu militairement – contrairement à son prédécesseur – après que le régime syrien eut utilisé des armes chimiques contre sa population.

Peu importe pour les soutiens (ou les fanatiques) régionaux du président américain que l’accord nucléaire qu’il a jeté aux orties avait été respecté par l’Iran, que sa politique vis-à-vis de la République islamique n’a pas permis de faire plier le régime ni même de le faire reculer dans la région et que les sanctions ont eu pour principal effet d’appauvrir un peu plus une population qui doit survivre entre le marteau américain et l’enclume des mollahs. Seul compte le fait que face à l’arrogance iranienne, qui ne cachait même plus son projet impérial, les États-Unis ont répondu par le langage de la force. Pour ses partisans régionaux, une nouvelle victoire de Donald Trump signifierait rien de moins que l’effondrement du régime iranien et cela suffit à faire de tout le reste un moindre mal.

Ils risquent toutefois d’être déçus. Le régime iranien a les moyens de tenir grâce à ses forces de répression et de propagande et le renouvellement du mandat Trump pourrait au contraire l’amener à durcir ses positions au détriment des populations locales. Mais ils mettent tout de même le doigt sur quelque chose d’important : le président américain a tapé du poing sur la table sans que cela ne provoque une nouvelle guerre régionale comme la majorité des analystes le prédisaient. Téhéran n’a pas répondu à l’élimination de Soleimani, Damas n’a plus depuis utilisé ses armes chimiques. Et si les leaders iraniens espèrent aujourd’hui une victoire de Joe Biden, c’est parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas se payer le luxe d’une confrontation directe avec les États-Unis et qu’un deuxième mandat de Trump risque de leur faire très mal, d’autant plus qu’une alliance israélo-golfique prend forme à leurs portes.

Entre l’approche diplomatique de Barack Obama et la pression maximale de Donald Trump, il se trouve sûrement un juste milieu qui permette de contrer les velléités d’influence iranienne de façon moins brouillonne et sans pour autant fermer les yeux sur toutes les dérives de ses ennemis. Une façon de maintenir l’engagement des Américains au Moyen-Orient sans que cela n’amène à répéter le scénario-catastrophe de l’intervention irakienne de 2003 ou celui du recul syrien de 2013, qui a ouvert l’appétit des puissances régionales qui se disputent depuis, au détriment des populations locales, le costume d’hégémon. S’il est élu demain, Joe Biden parviendra-t-il à trouver cet équilibre extrêmement délicat ? Si tel est le cas, il serait alors mieux qu’un moindre mal pour la région.

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