What Motivates Trump’s Supporters

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Quelque 71 millions d’Américains ont voté pour le Parti républicain, malgré quatre années de trumpisme. Dans un article récent (Le Devoir, 7-8 novembre 2020), Christian Nadeau propose une analyse de ce résultat ahurissant. Il écarte avec raison le reproche d’irrationalisme et rappelle que la focalisation sur le personnage de Trump, aussi odieux soit-il, est contre-productive. Selon lui, ce vote s’explique fondamentalement par la volonté des suprémacistes blancs de conserver leurs privilèges et d’empêcher ainsi les communautés racisées de prendre leur place légitime dans la société américaine.

En fait, les raisons pour lesquelles la nébuleuse républicaine a pu moissonner autant de votes sont variées. Tout d’abord, ainsi que le montrent de nombreuses enquêtes d’opinion, y compris celle publiée dans la même livraison du Devoir (p. B 2), la toute première préoccupation de ses partisans est liée à l’économie. C’est ce qui a permis à Donald Trump de fissurer en 2016 l’ancien mur bleu de la Rust Belt, où la désindustrialisation et les délocalisations subséquentes d’emplois ont mené à un déclassement socioéconomique qui a fait des ravages dans le vote démocrate traditionnel.

Bible Belt

Transportons-nous maintenant dans le Sud profond, celui de la Bible Belt, où les motifs changent du tout au tout. Dans ces États où les évangélistes cartonnent et où le fondamentalisme a la cote, nommer des juges conservateurs à la Cour suprême garantit que les valeurs religieuses, tel le refus de l’avortement, vont occuper le haut du pavé pendant les prochaines décennies. Comme Trump l’a parfaitement compris, il n’y a pas de moyen plus efficace de fidéliser ces nombreuses communautés, qui regroupent autant les Noirs que les Blancs.

Si l’on se déplace vers le Sud-Ouest, par exemple au Texas, où l’industrie pétrolière et le libertarisme règnent en maître, les soucis majeurs tournent autour du maintien d’une industrie lourde, peu importe le degré de pollution qu’elle engendre, et du droit de porter des armes, garanti par le Deuxième amendement de la Constitution. Pour ces adeptes, lutter contre un prétendu « État profond » et contre toute réglementation limitant les libertés individuelles, sonne comme une douce musique. Or, c’est ce que n’a pas cessé de marteler Trump depuis son entrée en politique.

Floride

En Floride, l’État qui a donné la présidence à Georges W. Bush en 2000, dénoncer le socialisme démocrate éveille une corde d’autant plus sensible que Bernie Sanders se réclame ouvertement de cette orientation. Si Trump a pu augmenter la marge républicaine dans cet État-clé, c’est qu’il a compris que, pour la communauté hispanique et ses nombreux exilés cubains ou même vénézuéliens, la crainte du communisme l’emporte sur toute autre considération.

Il faudrait encore évoquer la fracture entre les villes et les campagnes, les premières plus cosmopolites et majoritairement démocrates, les secondes plus homogènes et largement républicaines, ou encore la constellation complotiste, qui a pris de l’ampleur grâce aux invectives trumpiennes et à l’effet délétère des réseaux sociaux, et bien d’autres motivations mineures. Dès 2016, Steve Bannon, alors directeur de la campagne électorale de Trump, avait d’ailleurs annoncé son intention de fédérer ces différents courants de la droite dure.

Bref, la question raciale, malgré son importance, constitue une facette seulement de l’attrait actuel pour le Parti républicain. Trump est un démagogue, c’est incontestable. Mais comme le montrent à l’envi les innombrables études sur la résurgence massive du populisme, ses causes sont multiples. Le réduire à une seule dimension ne rend pas justice à sa complexité et risque de masquer l’essentiel.

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