Paradoxes of an Election

<--

Tout résultat électoral comporte paradoxes et angles morts. La consultation aux États-Unis, conclue samedi par la décision en Pennsylvanie (suivie de l’explosion de joie d’une moitié du pays… et des quatre cinquièmes du monde extérieur), ne fait pas exception. Passons-en six en revue, chiffres à l’appui…

Victoire nette ou étriquée ? Un score global de 51-48 — qui pourrait évoluer vers 52-47 après le décompte toujours très lent de millions de voix dans deux gros États, New York et Californie —, est-ce ou non une victoire nette ?

Bien sûr, à la présidentielle américaine, le suffrage universel n’est pas déterminant. Mais ces chiffres donnent une idée du rapport de force social. Or, l’image qu’ils renvoient, c’est celle de deux blocs à peu près équivalents. 55-45, c’est déjà autre chose. Et 60-40, alors… Mais le rêve fou de ceux qui — les yeux rivés sur des sondages roses — espéraient une répudiation nette du trumpisme ne s’est pas réalisé.

Qui plus est, tout cela arrive dans un contexte qualitatif de polarisation agressive, peu propice au ralliement du perdant (surtout lorsque l’exemple vient de haut)… Dans un tel climat, que pourra la main tendue par Joe Biden samedi soir ?

Aucune vague démocrate au Congrès. Les deux chambres ont vu cette année des scores républicains au-delà de toute espérance. Sauf miracle en Géorgie au second tour (car il y a des seconds tours à certains endroits, dans ce patchwork invraisemblable du système électoral américain), le Sénat restera républicain.

Quant à la Chambre, on peut presque parler de déroute démocrate : 50-49 pour la proportion des suffrages, et une majorité attendue de peut-être 15 sièges pour les démocrates… qui s’attendaient à « balayer » !

Ici, surprise arithmétique : on croyait qu’à cause des manipulations républicaines (le « gerrymandering »), les démocrates avaient besoin d’au moins 6 points d’avance pour obtenir une courte majorité (en 2018, ils avaient eu 7 points d’avance, pour environ 52 % des sièges). Cette fois, les pourcentages de voix et la proportion de sièges semblent correspondre.

Pour 93 000 voix de plus… On l’a beaucoup répété : en 2016, Donald Trump l’a emporté grâce à « 80 000 voix dans trois États » (aux majorités très serrées). Mathématiquement exact, et choquant du fait de la victoire aux voix d’Hillary Clinton.

Mais on peut aujourd’hui renverser la proposition : Joe Biden l’emporte, très précisément, grâce à « 93 000 voix dans quatre États » (Arizona, Wisconsin, Pennsylvanie, Géorgie). Ainsi va le système américain.

Battu par la COVID-19 ? Une longue analyse du Washington Post défendait samedi cette idée : la gestion calamiteuse de la pandémie aurait emporté Donald Trump. Qu’il soit permis d’en douter.

Ceux qui répétaient — avec raison — que son gouvernement a lamentablement nié, dissimulé, cafouillé face à la COVID-19… étaient de toute façon anti-Trump politiquement. Et les résultats du 3 novembre montrent que les États les plus frappés par le coronavirus depuis deux mois (les Dakotas, le Montana, le Wyoming, le Nebraska, où les pics sont vertigineux : doublement, triplement des cas quotidiens depuis fin septembre)… affichent les meilleurs résultats de Donald Trump : 60 %, même 70 % !

48 % : un score phénoménal. Même aujourd’hui battu, mauvais perdant enferré dans le déni, Trump peut se targuer d’être allé chercher 71 millions de voix, soit 8 millions de plus qu’en 2016. Il avait alors fait 46 % ; il monte à 48 % malgré la dépression économique, le chômage de masse, la corruption manifeste, les mensonges, la vulgarité, la cour faite aux dictateurs… Malgré la COVID-19. Rien de cela n’a bloqué son ascension.

Les sondeurs K.-O. ? Belle leçon d’humilité pour les sondeurs, même si les écarts ne sont pas aussi élevés qu’ils y paraissent… Sous-estimation du vote noir et latino pro-Trump (minoritaire, mais non négligeable), Floride insondable, etc. Et puis l’écart final entre Biden et Trump pourrait voisiner les 5 points… donc pas si loin des sondages les plus prudents.

Reste à expliquer pourquoi 2 % ou 3 % des électeurs états-uniens échappent systématiquement aux meilleurs calculs des spécialistes des courbes et des probabilités.

About this publication