L’accord RCEP, un premier défi pour Joe Biden face à la Chine
Editorial. Avec la conclusion du plus large accord commercial du monde, quinze pays d’Asie-Pacifique, dont la Chine, ouvrent un nouveau chapitre de l’intégration économique de cette région, prête à sortir de la pandémie de Covid-19.
Editorial du « Monde ». Donald Trump n’a toujours pas reconnu sa défaite électorale, mais, sur la scène mondiale, la roue tourne et elle tourne en sens inverse de la dynamique qu’il a voulu lancer. L’important accord de libre-échange signé, dimanche 15 novembre, par quinze pays d’Asie-Pacifique, dont la Chine, est un parfait contre-point à un autre accord régional, le Partenariat transpacifique (TPP), dont les Etats-Unis se sont retirés en janvier 2017, dès l’arrivée de M. Trump à la Maison Blanche.
Pékin a salué ce nouvel accord, appelé Partenariat régional économique global (RCEP), comme une « victoire du multilatéralisme et du libre-échange » ; le journal chargé de transcrire la pensée officielle du leadership chinois pour l’extérieur, le Global Times, a multiplié les articles sur l’inévitable embarras des Etats-Unis, empêtrés dans leur « unilatéralisme ». Tout en se défendant de voir dans le RCEP une pierre dans le jardin américain, ces commentaires reflètent clairement la satisfaction de Pékin devant cette avancée dans l’intégration économique régionale en Asie.
C’est en effet une avancée. Avec les 15 pays signataires – les dix Etats membres de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) plus la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande –, l’accord couvre à peu près un tiers de la population de la planète et un tiers de la production mondiale. Il fait de cette zone de libre-échange asiatique la plus vaste du monde, comparable à celles d’Amérique du Nord ou de l’Union européenne. Il est remarquable à un autre titre : c’est le premier accord commercial qui lie les trois poids lourds économiques de la région, la Chine, le Japon et la Corée du Sud.
La Chine voudra-t-elle prendre les commandes ?
Aboutissement de huit ans de négociations, le RCEP n’est cependant pas une initiative chinoise. C’est l’Asean qui en est à l’origine, soucieuse d’ouvrir les économies très diverses et de puissance inégale des dix pays qui la composent (Vietnam, Singapour, Malaisie, Indonésie, Birmanie, Laos, Brunei, Cambodge, Philippines, Thaïlande) sur le reste de la région Asie-Pacifique. Moins ambitieux que le projet initial du TPP américain, il ne couvre pas l’agriculture et seulement partiellement les services. Il n’inclut pas non plus l’autre poids lourd de la région, l’Inde, qui s’est retiré des négociations en novembre 2019.
Mais la grande question qui plane sur l’avenir de cet accord de libre-échange, qui doit encore être ratifié par chaque pays, est le rôle que voudra y jouer la Chine. Permettra-t-elle à l’Asean de rester fidèle à ses motivations d’origine, ou bien voudra-t-elle prendre les commandes d’une zone commerciale qu’elle n’aura guère de mal à dominer de tout son poids ? C’est précisément cette préoccupation qui a fait changer d’avis New Delhi.
Signé en février 2016, à la fin de l’administration Obama, le TPP était, lui, d’inspiration américaine et visait à intégrer les économies d’Amérique du Nord et d’Asie-Pacifique, mais excluait la Chine. A la suite du retrait des Etats-Unis, il a été transformé en « Partenariat transpacifique global et progressiste », conclu en 2018 par onze pays, dont sept sont aussi signataires du nouvel accord, notamment l’Australie et le Japon.
Ce nouveau chapitre dans le commerce mondial est un premier défi pour la future administration Biden. Il relativise aussi les ambitions de la stratégie indo-pacifique forgée par les Etats-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie, appuyée par la France et l’Allemagne, pour contrer l’expansionnisme chinois.
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