Après Donald Trump, le déluge
Editorial. L’attitude de l’actuel président des Etats-Unis vise moins à polir son legs politique qu’à saper l’autorité du futur président élu, le démocrate Joe Biden.
Depuis l’élection présidentielle du 3 novembre, Donald Trump s’attache avec constance à s’élever à la hauteur de sa caricature. Celle d’un homme dévoré par son ego, incapable de reconnaître une défaite indiscutable, prêt à fragiliser les institutions qu’il avait juré de protéger en prenant ses fonctions dans le seul but d’apaiser sa rancœur. Une experte, Michelle Obama, estime que la présidence de la première puissance mondiale ne change pas un homme mais révèle ce qu’il est. Dans le cas de Donald Trump, l’image montrée par ce miroir est dévastatrice.
Les normes auxquelles il s’est attaqué sont celles qui faisaient jusqu’ici la fierté des Etats-Unis : l’acceptation de la victoire de l’adversaire et le transfert pacifique du pouvoir d’un parti à un autre. Le discours de concession du perdant comme la lettre laissée sur le Resolute Desk du bureau Ovale par le président sortant à son successeur sont considérés depuis longtemps comme les preuves de la maturité et de la solidité d’une démocratie dans laquelle l’ambition personnelle s’efface le moment venu devant l’impératif du bien commun.
Un président sur le départ peut bien sûr adopter des mesures symboliques destinées à consolider son héritage. Mais l’attitude de Donald Trump vise moins à polir son legs politique qu’à saper l’autorité du futur président des Etats-Unis, le démocrate Joe Biden.
Cette politique de la terre brûlée est détestable lorsqu’elle prive la prochaine administration des fonds destinés à soutenir une économie encore chancelante, ce que la Réserve fédérale a déploré dans un communiqué inhabituel. Elle est indigne, en pleine pandémie de Covid-19, lorsqu’elle empêche très concrètement l’équipe démocrate de disposer des informations nécessaires pour se préparer à la tâche, notamment la distribution de millions de vaccins. Elle est pernicieuse lorsqu’elle instille le doute sur la légitimité du prochain locataire de la Maison Blanche.
Prétendue manipulation
Les revers accumulés devant la justice par les avocats de Donald Trump qui défendent sa théorie du complot d’une fraude massive auraient dû ramener rapidement à la raison le président et la majorité restée silencieuse des élus républicains du Congrès. Cela n’a pas été le cas, hélas. Malgré les recomptes de bulletins, malgré l’examen scrupuleux des conditions de vote, malgré la validation des résultats, Etat après Etat, chaque jour passé n’a fait que confirmer la victoire incontestable de son adversaire.
Cette prétendue manipulation d’élections qui aurait avantagé Joe Biden, mais qui, étrangement, a permis dans le même temps aux républicains de gagner des sièges à la Chambre des représentants, est absurde. Indifférent aux faits, Donald Trump a pourtant persisté, entraînant avec lui une masse critique d’électeurs du Grand Old Party, qui a sombré dans l’adulation aveugle de son chef.
La certification des résultats du Michigan, lundi 23 novembre, malgré des manœuvres dilatoires pathétiques du président, a contraint ce dernier à engager officiellement la transition, sans pour autant reconnaître encore sa défaite.
L’entreprise dans laquelle s’est lancé Donald Trump ne pouvait qu’échouer. La démocratie américaine retrouvera son cours habituel le 20 janvier 2021, lorsque Joe Biden prêtera serment à l’ombre de la coupole du Congrès.
Mais il faut souhaiter que le jugement de l’histoire soit sévère avec l’apprenti factieux. Car l’homme qui promettait de rendre sa grandeur à l’Amérique l’a abaissée par son comportement.
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