Violence at the Capitol: Day of Shame in the United States

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Violences au Capitole : jour de honte aux Etats-Unis

Editorial. L’envahissement du Congrès, mercredi 6 janvier, par une foule de partisans extrémistes chauffés à blanc par Donald Trump est l’aboutissement d’une présidence tumultueuse qui a fini par fracturer le pays.

Elu il y a quatre ans sur la promesse de « rendre sa grandeur à l’Amérique », le président Donald Trump achève son mandat en la couvrant de honte. L’histoire retiendra que la démocratie américaine a été défiée, et un moment suspendue, mercredi 6 janvier, par une foule de partisans extrémistes que le président lui-même avait incitée à marcher sur le Capitole pour empêcher son adversaire démocrate, Joe Biden, d’être officiellement déclaré vainqueur de l’élection du 3 novembre 2020.

Ce jour noir pour les Etats-Unis est l’aboutissement d’une présidence tumultueuse qui a fini par diviser le pays en deux parties, celle qui respecte l’ordre constitutionnel et les décisions de justice, et celle qui vit dans un univers parallèle. Cet univers, nourri de théories complotistes, est celui d’une réalité alternative dans laquelle Donald Trump n’a pas perdu l’élection par une différence de 7 millions de suffrages populaires et le vote de 302 voix au collège électoral contre 232, mais veut croire qu’elle lui a été volée par une fraude massive et orchestrée.

Dans cet univers de déni, peu importe qu’une soixantaine de décisions de justice, y compris au plus haut niveau, celui de la Cour suprême, aient rejeté les recours en annulation de l’élection. Peu importe, puisque le président lui-même, demandant par téléphone le 2 janvier au responsable des opérations électorales de Géorgie de modifier les résultats du scrutin dans son Etat, affirme qu’il ne peut y avoir été battu par 11 779 voix, comme l’indiquent les registres, car il sait qu’il a gagné de « probablement un demi-million de voix ».

La nation américaine a récolté mercredi ce que son président, populiste, démagogue et narcissique, a semé pendant quatre ans, avec la complicité du Parti républicain. Les responsables qui avaient accepté, au début de son mandat, de l’assister à la Maison Blanche par sens de l’Etat, les fameux « adultes » sur lesquels on comptait pour l’assagir, ont jeté l’éponge les uns après les autres, ou ont été remerciés. M. Trump n’a jamais fait mystère de ses intentions séditieuses : il avait constamment refusé, avant l’élection, de s’engager à respecter le résultat du scrutin s’il ne lui était pas favorable. Il avait aussi apporté son soutien à des groupes d’extrême droite comme les Proud Boys, auxquels il avait demandé de se « tenir prêts ».

Une démocratie profondément ébranlée

Ce sont ces groupes de partisans qui ont pris d’assaut et envahi le Capitole mercredi, débordant sans difficulté un dispositif policier étrangement léger, au moment où les membres des deux Chambres du Congrès commençaient à voter la certification des résultats de l’élection présidentielle. Evacués, les élus n’ont pu reprendre leurs travaux qu’au bout de plusieurs heures d’un chaos sans précédent, après que M. Trump eut enfin demandé à ses partisans de se retirer.

Il appartiendra au président élu, Joe Biden, de reconstruire cette démocratie profondément ébranlée. Il a en a désormais les moyens, grâce à la victoire cruciale des deux démocrates qui ont remporté mercredi les sièges de sénateurs de Géorgie, donnant ainsi à leur parti le contrôle du Sénat, en plus de la Maison Blanche et de la Chambre des représentants. Il en a la stature, comme l’a montré sa réaction ferme et lucide face à la tentative d’insurrection trumpiste.

Le traumatisme vécu mercredi peut l’aider. De nombreuses inconnues, cependant, subsistent. Que va-t-il advenir de l’insurgé-en-chef, Donald Trump, qui a encore deux semaines à la Maison Blanche et a été lâché par son propre vice-président ? Va-t-il falloir le destituer, même s’il a finalement, jeudi, accepté de céder la place ? Quelle va être l’influence de la bonne centaine de membres du Congrès républicains qui continuaient, jeudi matin, à rejeter le résultat de l’élection en prétextant une fraude massive ? Comment les 74 millions d’électeurs de Donald Trump réagiront-ils ? Les responsables de la majorité républicaine sortante, parti autoproclamé de la loi et de l’ordre, bien tardivement ralliés à la Constitution, tireront-ils les bonnes leçons de ce désastre annoncé ? Le monde, stupéfait de tant de fragilité, attend anxieusement les réponses.

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