Chronicles of Organized Violence

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Émeutes au Capitole

Nous avons tous été aux premières loges d’une chronique d’une violence annoncée ; les émeutes au Capitole qui nous ont rappelé que la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit sont fragiles.

À la suite des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, l’Organisation des Nations unies (ONU) avait pour objectif de faire respecter des droits fondamentaux. Malgré cela, le système de castes persiste et réussit à ébranler les colonnes du temple : la démocratie.

Dans son livre Caste, Isabel Wilkerson rappelle la présence de ce système dans des sociétés occidentales. L’auteure réfère aux idées voulant que le statut social à la naissance lié à la « race » * est immuable, que la caste dominante blanche est « pure » et qu’elle doit être protégée de la pollution des castes « inférieures », que les membres de la caste blanche sont supérieurs : certains postes leur sont naturellement dévolus, sans égard au mérite.

Les motivations qui sous-tendent les émeutes du Capitole ne sont pas nouvelles dans l’histoire des États-Unis, elles font partie d’un continuum lié à la guerre de Sécession.

Ces émeutes sont une réaction indirecte à l’élection de la vice-présidente Kamala Harris (d’origine « raciale » mixte), après la présidence de Barack Obama qui avait défié le système de castes. Cette élection avait réactivé les préjugés racistes et a été perçue comme une transgression. Sinon, comment expliquer que les républicains ont appuyé un président qui soutenait les éléments les plus radicaux et racistes de son pays ?

La présidence d’Obama a été attaquée, mais aussi sa légitimité et ses capacités à occuper le poste (selon Donald Trump, M. Obama était né au Kenya, il ne pouvait briguer la présidence) et comme présumé musulman, son objectif était de miner l’Amérique. Cela était plus qu’un mensonge, le birthérisme était inspiré par l’intolérance et le maintien de l’exclusion de certains membres de la nation américaine.

L’entrée du candidat Trump en politique suit l’émergence du Tea Party. Par le slogan « Make America Great Again », Trump s’attaquait au fait que la présidence était occupée par un Noir. Avec ce slogan, on faisait appel à l’Amérique d’avant la guerre de Sécession, à la période où elle n’était pas assiégée par les immigrants et par les personnes de religion différente, à l’Amérique d’avant la reconnaissance des droits civiques. Trump exploitait la suprématie blanche alimentant certaines peurs.

Une illustration du concept de caste

Le traitement par les forces de l’ordre des manifestants de Black Lives Matter, comparativement à celui des émeutiers du Capitole, est une illustration du concept de caste voulant que certaines castes fassent l’objet de déshumanisation et de stigmatisation en ignorant la dignité humaine de ses membres en les astreignant à des traitements arbitraires et à des punitions injustifiées. La gestion des émeutes n’est pas sans rappeler le profilage racial : la sur-surveillance des personnes racisées et la sous-surveillance des personnes blanches. Merrick Garland, procureur général, a souligné que la primauté du droit est « le fondement même de notre démocratie. L’essence de la primauté du droit demande que les cas similaires soient traités de la même manière, qu’il n’existe pas une règle […] pour les amis et une autre pour les ennemis ».

Ces assauts à la démocratie et à l’État de droit nous forcent à réfléchir à la portée de la liberté d’expression lorsqu’elle permet la transmission de mensonges permettant la désinformation, voire de la propagande, au service d’un parti politique et menace ainsi la démocratie.

La liberté d’expression permet l’exercice des autres droits. Essentielle à la participation politique, cette liberté protège le droit d’exprimer des idées, des croyances ainsi que d’émettre des opinions, de faire valoir des arguments et de débattre publiquement.

La notion du marché des idées veut que dans une société de libre marché des idées, on doive laisser place à des discours racistes, sexistes et offensants puisque les aspects compétitifs et normatifs du marché feront que la meilleure idée primera. Ce raisonnement omet les privilèges accordés à certains groupes. Il ignore les effets du racisme systémique qui constitue un obstacle à la présence des personnes racisées sur ce marché. On ne peut ignorer que le contexte actuel du discours politique peut miner tant les fondements de la libre expression que celui du droit à l’égalité. Quelles actions doivent être entreprises lorsqu’on constate que ce marché ne peut plus s’autoréguler ?

Les normes journalistiques agissaient comme garde-fou, garde-fou qui n’existe pas dans les réseaux sociaux, sans compter que la diffusion massive des messages sur les réseaux sociaux a une influence sur les médias traditionnels.

Les contextes américains, canadiens et québécois sont différents, mais certains fondements sont similaires. Nous devons être vigilants. Le discours de la « victimisation blanche » qui est propagé aux États-Unis trouve écho ici. Ici aussi, on a entendu des arguments voulant que « la discrimination contre les Blancs soit aussi importante que celle contre les non-Blancs ». Ici aussi, on minimise ou l’on nie le racisme systémique alors que l’on met de l’avant des discours qui attaquent certaines minorités et ostracisent l’immigration.

Il est temps de prendre acte des problèmes systémiques et des inégalités sociales, politiques et économiques. Les approches systémiques prônées pour les femmes sont efficaces ; elles ont augmenté leur présence dans tous les secteurs. Il est temps de passer aux prochaines réformes sociales afin que l’égalité soit une réalité tangible. Comme le disait Arnold Schwarzenegger, servir l’État, c’est « servir quelque chose de plus grand que vous-même ».

* La race est un construit social et politique.

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