L’extrême droite américaine galvanisée par Donald Trump
Les images de la prise d’assaut du Capitole du 6 janvier dernier montrent qu’au sein d’une foule aux allures bigarrées se trouvaient de nombreux membres de groupes d’extrême droite comme les Proud Boys, III % et Oath Keepers. Portant fièrement des badges montrant leur affiliation, souvent démasqués, ceux-ci ont encadré la foule et mené celle-ci dans le Capitole. Loin d’être improvisé, cet événement a été préparé et répété tout au long de 2020 quand des groupes de manifestants armés ont pris d’assaut plusieurs législatures d’État. Dans une perspective plus large, l’attaque du Capitole s’inscrit dans la volonté de l’extrême droite de franchir le mur séparant le virtuel du réel et de s’imposer sur la scène nationale comme un acteur incontournable.
L’extrême droite est une nébuleuse sans hiérarchie ni organisation nationale composée de groupes partageant une idéologie composée à des degrés divers d’un mélange de fondamentalisme chrétien, de suprémacisme blanc et de méfiance plus ou moins grande envers le gouvernement.
Certains groupes parlent même d’une guerre civile allant mener à la création d’une société utopique. Elle commence sa réorganisation avec l’élection de Barack Obama en 2008 qui représente pour ses membres la première étape de la mise en place d’un ordre nouveau. À partir de ce moment, les groupes se multiplient, les milices « patriotes » passant par exemple de 149 en 2008 à 1360 en 2012.
En ligne, l’extrême droite utilise le potentiel du Web 2.0 sur lequel, à côté des plateformes généralistes comme Facebook, Twitter et YouTube, apparaissent des sites Web spécialisés tels que The Right Stuff, VDare et Gab. C’est toutefois avec le Gamer Gate (2014) que le potentiel mobilisateur des outils virtuels comme le doxxing, le trollage ou le harcèlement devient évident. À partir de ce moment, l’extrême droite mène une chasse aux « Normies » pour élargir à droite le spectre du discours politique national. Dans ce processus, l’humour, l’ironie et la provocation sont les moyens prisés pour attirer de nouvelles recrues et surtout l’attention des médias.
Toujours en 2014 au Nevada, la victoire du rancher Cliven Bundy contre des agents fédéraux venus saisir son bétail montre qu’il est possible de faire reculer les autorités grâce à la menace de la violence organisée. À Ferguson, au Missouri, lors de manifestations contre le racisme, des membres des Oath Keepers, un groupe recrutant ouvertement d’anciens policiers et militaires, « assuraient la sécurité », équipés de fusils d’assaut et de gilets parre-balles.
Arrivée de Trump
Décidés à ne plus reposer uniquement sur des « guerriers du clavier », les leaders de l’extrême droite sont galvanisés par l’élection de Donald Trump qui s’est fait l’écho d’une partie de leurs préoccupations. Ils organisent une série de manifestations violentes qui culminent en 2017 à Charlottesville. Ce rallye tourne à l’émeute et, plutôt que d’unir le mouvement, montre la menace qu’il pose. Jusque-là obsédées par la menace islamiste, les autorités se tournent vers cette nouvelle menace négligée depuis 2001. L’année suivante, une manifestation organisée à Washington est un échec. Le refus du président de condamner la violence de Charlottesville est toutefois interprété comme une victoire.
La COVID-19 a donné un nouveau souffle à l’extrême droite américaine qui utilise les mesures sanitaires afin de mobiliser l’ensemble de la population contre l’ordre établi. Dans ce processus, le président qui a par exemple appelé des manifestants à « libérer » le Michigan de sa gouverneure démocrate a servi de relais à la rhétorique et aux actions de l’extrême droite. Tout au long de 2020, celle-ci a annoncé ses intentions, intimidé des manifestants, menacé des élus et autres représentants de l’ordre, allant parfois même jusqu’à se substituer à ceux-ci lors de manifestations.
Dans ce programme, Donald Trump n’est qu’un porte-parole, un symbole permettant de mobiliser un plus grand nombre de mécontents qui ne partagent pas, pour le moment, l’idéologie de l’extrême droite. Comme l’a montré l’assaut contre le Capitole, une foule motivée une fois encadrée peut contrecarrer une élection présidentielle. Elle peut même ressusciter le spectre de la guerre de Sécession (1861-1865) en amenant le drapeau confédéré dans le Capitole, ce que les rebelles de l’époque n’avaient pas réussi à faire. À la suite de l’attentat d’Oklahoma City mené par un suprémaciste en 1995, les autorités ont grandement affaibli l’extrême droite aux États-Unis. Espérons que la prise du Capitole provoquera une réaction similaire.
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