Debate over Weapons: Can Joe Biden Really Ban Assault Weapons?

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Débat sur les armes : Joe Biden peut-il vraiment interdire les fusils d’assaut ?

Après une nouvelle fusillade meurtrière, dans le Colorado, le président américain a réclamé l’interdiction des fusils d’assaut. Mais une réglementation plus stricte sur le port des armes semble impossible à faire accepter à une minorité politique au Congrès.

Par

Sébastie Mastrandreas

Publié le 26 mars 2021 à 8:00

Droit fondamental des Américains, le port d’arme persiste aux Etats-Unis malgré les épisodes tragiques que connaît régulièrement le pays. Le dernier en date : au Colorado, un homme a abattu dix personnes dans un supermarché à l’aide d’un fusil semi-automatique. Moins d’une semaine après une autre tuerie qui a coûté la vie à huit personnes, dans des salons de massage asiatiques d’Atlanta, en Géorgie. Une répétition morbide qui relance l’éternel débat sur la prolifération des armes à feu aux Etats-Unis.

En réaction à ces drames, Joe Biden a appelé le Congrès à « ne pas perdre une minute supplémentaire », promettant des mesures de la part de l’exécutif en vue d’interdire les fusils d’assaut. Fervent défenseur de cette cause, l’élu démocrate avait promis lors de sa campagne de faire de la régulation des armes à feu une priorité dès le premier jour de son mandat, ce qu’il n’a pour l’instant pas tenu. Sous l’administration Obama, il avait déjà été tenté sans succès de réformer ce droit, la proposition s’étant heurtée à un refus du Sénat, appuyé par le puissant lobby des armes, la National Riffle Administration (NRA) .

Alors que l’opinion publique américaine est massivement favorable à une régulation des armes, notamment sur le contrôle des antécédents judiciaires des acheteurs, et le délai d’attente avant l’achat d’une arme, qui existe déjà dans plusieurs Etats, réformer en profondeur la pratique semble pourtant impossible. Qu’est ce qui bloque ? Joe Biden peut-il vraiment faire bouger les lignes sur la question ? Pour deux spécialistes des Etats-Unis, interrogées par Les Echos, cela paraît peut probable, voire impossible, dans un pays où les ventes d’armes ont atteint des records en 2020, et où près de 400 millions d’armes à feu circulent . Décryptage.

Un droit fondamental inscrit dans la Constitution

Aux Etats-Unis, la liberté d’être armé est garantie aux citoyens par le célèbre deuxième amendement de la Constitution, au nom du droit à l’autodéfense. Le port d’arme est ainsi d’abord réglementé au niveau fédéral, puis par chaque Etat, en fonction desquels l’interprétation du texte constitutionnel à ce sujet varie énormément.

Dès lors, difficile d’envisager une suppression pure et dure de porter une arme pour les citoyens américains, qui étaient 30 % en 2017 à en posséder au moins une, selon l’institut indépendant Pew Research Center. « Le paysage culturel et politique est tellement compliqué sur cette question », explique aux Echos Nicole Bacharan, historienne et politologue, spécialiste des Etats-Unis. « Avec la tradition de faire justice soi-même, ou de se protéger soi-même sans attendre l’aide de l’Etat, ainsi que la puissance du complexe militaro-industriel, et de la NRA », seules des réformes centrées sur le contrôle des armes à feu sont acceptables pour l’opinion publique.

« En 2019, les Américains étaient massivement favorables à l’augmentation du financement pour contrôler la santé mentale des acheteurs potentiels d’armes », confirme de son côté Marie-Christine Bonzom, politologue et journaliste, spécialiste des Etats-Unis. « En revanche quand on leur a demandé s’ils étaient d’accord pour un rachat obligatoire des armes par le gouvernement, l’opinion publique s’est s’enflammée, craignant d’être désarmée », illustre-t-elle.

Des réformes anti-armes bloquées par la « tyrannie d’une minorité politique »

« La classe politique américaine ne trouve jamais le temps ni le moment d’agir de manière fondamentale dans ce dossier très risqué politiquement », estime Marie-Christine Bonzom. D’autant que l’exercice est compliqué dans le contexte actuel. Au Congrès, « la majorité démocrate est réduite depuis l’an dernier à la Chambre des représentants, et Joe Biden joue les funambules au Sénat, en négociant constamment avec les républicains, mais aussi avec les élus centristes », analyse la politologue. La promesse de mesures « fortes de l’exécutif » sur les armes du président américain mardi dernier semble dès lors compromise.

« Il y a un problème de représentativité évident », ajoute Nicole Bacharan. « On assiste à la tyrannie d’une minorité politique, appuyée par le puissant lobby de la NRA », affirme-t-elle. A titre d’exemple, la spécialiste rappelle l’espoir d’un changement au niveau fédéral sur le port des armes, après la fusillade de Newton en 2012 qui avait fait 27 morts, dont 20 enfants. A l’époque, Joe Biden, vice-président, avait « poussé au maximum pour mettre en place l’interdiction des armes d’assaut », sans succès. « Il ne peut rien se passer tant que les élus ne changent pas d’attitude », résume-t-elle.

Ces élus qui « bloquent » sont toujours appuyés par le lobby de la NRA, qui finance notamment des campagnes électorales au niveau fédéral, comme celle de Donald Trump, et au niveau local, et est capable de détruire, ou de porter une personnalité politique. Bien qu ‘affaiblie par des poursuites judiciaires, et des difficultés financières, l’association des propriétaires des armes à feu « reste active au Congrès, surtout auprès des élus républicains », explique Marie-Christine Bonzom.

Des mesures « aux entournures »

« Si des mesures sont prises par Joe Biden sur les armes à feu, ce seront des mesures aux entournures, qui ne changeront pas vraiment le sujet », conclu Marie-Christine Bonzom, en précisant que les propositions du démocrate sont toutefois importantes et qu’elles « vont dans le bon sens ». « Seules des mesures au coup par coup passent, acceptées ou non par le Congrès ».

La chercheuse estime par ailleurs que les Etats-Unis pourraient s’inspirer de l’Australie pour emprunter la voie vers une suppression des armes. En 1996, ce pays a adopté une réforme fondamentale, pour bannir les armes semi-automatiques, et durcir les contrôles. Autant de propositions qui ont déjà été faites, sans jamais passer au niveau fédéral. Non loin du modèle australien, « il y a tout de même des programmes locaux, comme à New-York, où la législation est très stricte sur le port des armes, qui pourraient être étendus », espère de son côté Nicole Bacharan.

Sébastie Mastrandreas

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