Joe Biden a annoncé, mercredi 14 avril, que les forces armées américaines auront totalement quitté l’Afghanistan le 11 septembre, vingt ans après les attentats contre le World Trade Center. Un choix susceptible de profiter aux talibans.
Editorial du « Monde ». En annonçant, mercredi 14 avril, le retrait total des troupes américaines d’Afghanistan à la date symbolique du 11 septembre, vingt ans jour pour jour après les attentats d’Al-Qaida qui justifièrent leur intervention dans ce pays, le président Joe Biden n’a proclamé ni victoire ni défaite. Sa décision signe néanmoins l’échec, pour de bon, d’une politique étrangère visant à changer les régimes politiques par la puissance militaire.
Revendiquer la victoire serait difficile. Après vingt ans de présence militaire étrangère en Afghanistan et des milliers de morts, dont plus de 2 400 Américains, la paix n’est pas revenue, et les talibans, dont l’activisme s’est accru ces derniers mois, contrôlent près de la moitié du territoire. La situation du gouvernement de Kaboul est fragile, et personne ne garantit sa survie après le départ des troupes occidentales.
La défaite, pour autant, n’est pas totale. Le soutien au gouvernement afghan a permis aux filles de retourner à l’école et à la participation des femmes dans la vie publique de progresser. L’objectif que les troupes américaines s’étaient assigné en intervenant en Afghanistan en octobre 2001, celui d’empêcher ce pays d’abriter Al-Qaida, l’organisation terroriste qui avait organisé les attentats du 11-Septembre contre le World Trade Center, à New York, et le Pentagone, a été en grande partie atteint. Oussama Ben Laden, cerveau de ces attaques, a été tué dans un raid américain au Pakistan il y a dix ans.
Faire face au défi chinois
Mais depuis, les raisons du maintien américain en Afghanistan « sont devenues de moins en moins claires », a relevé mercredi M. Biden. Les troupes américaines, dont le nombre actuel sur le terrain n’est plus que de 2 500 alors qu’elles avaient atteint 90 000 soldats en 2010, n’avaient plus officiellement de mission de combat mais de soutien, avec les forces de l’OTAN, et de formation de l’armée afghane. Vingt ans, c’est une génération : pour le président démocrate, qui relève que certains soldats américains aujourd’hui engagés en Afghanistan y ont succédé à leurs parents, cette guerre n’a pas vocation à devenir « multigénérationnelle ». Le moment est venu de tirer un trait et de partir.
Le risque de ce départ sans conditions est évident. Quelles que soient les négociations de paix en cours avec les talibans, ceux-ci peuvent profiter du retrait des troupes étrangères, l’un des derniers piliers de stabilité, pour reprendre l’avantage et, notamment, effacer les progrès obtenus sur le statut des femmes afghanes. Mais les priorités de la Maison Blanche aujourd’hui sont ailleurs. L’ère des guerres sans fin, impossibles à gagner, est révolue ; c’est celle du renforcement social et économique des Etats-Unis, indispensable pour faire face au défi chinois et aux nouvelles menaces mondiales, qui prévaut.
M. Biden a précisé que le retrait américain serait accompagné de celui des autres troupes de l’OTAN, dont le contingent actuel de quelque 6 000 militaires est, a-t-il noté, supérieur à celui des Etats-Unis. Mais, pour un président qui se fait fort de rétablir un lien de confiance entre Washington et ses alliés, cette partie de son discours a été regrettablement succincte. Un mot de remerciement devant le public américain à l’égard de ces alliés qui ont, eux aussi, payé un lourd tribut en vies humaines pour épauler les forces américaines aurait été le bienvenu. Et un minimum de concertation avec les dirigeants européens avant la prise de décision du retrait aurait été judicieux. Donald Trump n’est plus là, mais « America first » a de beaux restes.
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.