Believe your eyes, said the state prosecutor. And the jury believed what they saw, and what the whole world saw: a policeman placing his knee on the neck of a man who threatened no one — a man handcuffed and begging, crying for air, calling for his mother.
On Tuesday, President Joe Biden said that the verdict would change things forever in the relationship between police and minorities. Maybe. Maybe not. It is true that, in more ways than one, the guilty verdict of former police officer Derek Chauvin for second-degree murder is historic.
But think of the degree of perfection of the evidence necessary to convict Chauvin. Videos from every angle. Stunned passersby who watched this man die before their eyes while demanding officers let him breathe. Numerous outstanding experts who established the cause of death as asphyxiation. And, perhaps above all, a succession of experienced officers from his own force who testified against him, from the chief who spoke of “murder” to colleagues and trainers who all showed up to eject Chauvin from their corps like a virus.
It is quite an extraordinary thing in the United States, as it is here in Canada. Solidarity in the police ranks is tough to break. Police officers “understand” one another — know that an arrest is rarely a thing of beauty, know the difficulties, perils and ambiguities. But in Chauvin’s case, remarkably, a kind of unanimity against him took place. He did not testify in his own defense. This case is exceptional, then, not only for its outcome, as charges are rare and acquittals many. It is also exceptional for the mountains of crushing evidence. For all the other cases, without witnesses, without video, will justice be served? I am not so sure.
In every trial for use of excessive force involving a police officer, the work involved in prosecution is enormous. In addition to the burden of proof beyond reasonable doubt, there are two factors. One, the right, and the duty, of officers to use reasonable force to arrest someone. Two, the reflexive public sympathy for the officer. I remember several momentous trials in Montreal where acquittals were delivered on the basis of the dangers of the job and the fear of letting the criminal, or potential criminal, win by convicting the officer of the law who was only protecting the public.
During the Chauvin trial, which I watched, a large segment of the defense tried to bring to the difficulty of police work to the forefront. We see in their own videos how very calm they are; we hear them tell George Floyd to get into the police car, that they will open the door, to not be afraid, and so on. We see him resist; he is apparently under the influence of “substances.” We see the officers handcuff him, and attempt without success to push him into the car. There is neither insult nor aggression. He is there, on the ground, hands behind his back. And then the revolting, heartbreaking scene I had only watched guardedly, but watched again and again: the knee on the neck. Floyd begging. The passerby shouting, "You are going to kill him." One called the police. It is endless. And he loses consciousness.
With each viewing, one tells oneself that this is not possible; that he will get up; that it’s just too absurd. It all begins with a purchase made by an unarmed man using a counterfeit $20 bill* in a convenience store. You don't have to want to disarm the police, or defund them, to see the tragic pointlessness of this escalation of violence. And to think of all the cases not filmed, with the only living witnesses being the police themselves.
I don’t know if this is a turning point, but there are moments of truth in the relationships between society and its justice system. And this is one of them.
I don’t know if this is a turning point because I wonder if it will take another case of perfect proof, a kind of scientific, social and constabulary unanimity to condemn another abuse of power, mortal or not.
But this is a moment of truth, because we have seen with our own eyes how, in good conscience, a cop can kill an unarmed man, a threat to no one, who wanted to take $20 from a convenience store.* Maybe this image, this notion, will work its way into consciences and hearts because for once, we saw Floyd, powerless, die in the name of the law. And that the law called it by its name: murder.
This truth is also a moment where each of us can, if only for an instant, put ourselves into the body of this man who died before our eyes for no other reason than his skin. And realize that, who knows, here, too, maybe we are not being treated exactly the same way by the police based on the color of our skin.
*Editor's note: The $20 bill used by Floyd was allegedly counterfeit.
Croyez-en vos yeux, avait dit le procureur de l’État. Et le jury a cru ce qu’il a vu, et que le monde entier a vu : un policier posant son genou sur le cou d’un homme qui n’a menacé personne, un homme menotté qui supplie, qui crie manquer d’air, qui appelle sa mère.
Mardi, le président Joe Biden a dit que ce verdict allait changer les choses pour toujours, dans les relations entre la police et les minorités.
Peut-être. Peut-être pas.
C’est vrai : à plus d’un titre, le verdict de culpabilité du policier Derek Chauvin pour le meurtre au deuxième degré de George Floyd est historique.
Mais songez au degré de perfection de la preuve qu’il a fallu pour faire condamner l’agent Chauvin. Des vidéos dans tous les angles. Des passants, bouleversés, qui voient cet homme mourir sous leurs yeux, qui demandent aux policiers de le laisser respirer. Des experts nombreux, magnifiques, qui établissent la cause de la mort : asphyxie. Et, peut-être au-delà de tout le reste : une enfilade de policiers d’expérience de son propre corps de police venus témoigner contre Chauvin. Du chef, qui a parlé d’un « meurtre » dès le départ, aux collègues, aux formateurs, qui tous sont venus éjecter Chauvin de leur corps comme un virus.
La chose est tout à fait exceptionnelle, aux États-Unis comme chez nous. La solidarité dans les rangs est difficile à casser. Les policiers se « comprennent » entre eux, savent qu’une arrestation est rarement une chose jolie à regarder, en connaissent les difficultés, les périls et les ambiguïtés.
Mais dans le cas de Chauvin, de manière remarquable, une sorte d’unanimité s’est faite contre lui. Il n’a pas même témoigné pour sa défense.
Ce cas est donc exceptionnel non seulement par sa conclusion — les accusations sont rares et les acquittements, nombreux. Il l’est aussi par la montagne de preuves qui s’écrasait contre Chauvin.
Pour tous les autres cas, sans témoin, sans vidéo, justice sera-t-elle mieux rendue ? Pas sûr…
Dans tout procès de policier pour usage excessif de la force, le travail de la poursuite est gigantesque. En plus du fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable, s’ajoutent deux facteurs. Premièrement, le droit (et le devoir) des policiers d’utiliser une force raisonnable pour arrêter une personne. Et deuxièmement, la sympathie naturelle du public pour le policier.
J’ai en mémoire quelques procès montréalais retentissants où des acquittements ont été prononcés beaucoup sur ces bases-là : le danger du métier de policier ; et la crainte de faire « gagner » un bandit, ou d’éventuels bandits, en condamnant un agent de la paix qui ne fait que protéger la population.
Dans le procès Chauvin, dont j’ai écouté de grands pans, la défense a aussi tenté de mettre en relief la difficulté du travail policier. On le voit dans leurs propres vidéos : les policiers sont très calmes, on les entend dire à Floyd d’entrer dans la voiture de police, qu’on ouvrira une fenêtre, de ne pas avoir peur, etc. On le voit résister, il est sous l’effet de « substances », apparemment. On voit les policiers lui passer les menottes, tenter sans succès de le fourguer dans la voiture. Il n’y a ni insulte ni agressivité. Le voici par terre, sur le ventre, mains dans le dos.
Puis, cette scène que je n’avais vue que furtivement, mais que j’ai revue encore et encore, révoltante, écœurante : le genou sur la nuque. Floyd qui supplie. Les passants qui disent : vous allez le tuer. L’une a appelé la police…
C’est interminable.
Et il perd conscience.
À chaque visionnement, on se dit : c’est pas possible, il va s’enlever, c’est trop absurde. Tout ça part d’un achat qui aurait été fait avec un faux billet de 20 $ dans un dépanneur par un gars sans arme…
Pas besoin de vouloir désarmer ou définancer la police pour voir l’inutilité tragique de cette escalade de la violence. Et pour penser à tous les cas non filmés, avec comme seuls témoins vivants les policiers eux-mêmes.
Je ne sais pas si c’est un « tournant ». Mais il y a de ces moments de vérité dans les rapports entre la société et son système de justice. Et celui-ci en est un.
Je ne sais pas si c’est un tournant, parce que je me demande s’il faudra une autre preuve parfaite, une sorte d’unanimité scientifique, sociale et constabulaire pour faire condamner un autre abus de force, mortel ou pas.
Mais c’est un moment de vérité, parce qu’on a pu voir de nos yeux comment en toute bonne conscience un flic peut faire crever un homme sans arme, qui ne menace personne, et qui a voulu voler 20 $ à un dépanneur. Peut-être, oui, cette image, cette idée fera-t-elle son chemin dans les consciences et dans les cœurs, puisque pour une fois, on aura vu, impuissants, mourir George Floyd « au nom de la loi ». Et que la loi aura appelé cette chose par son nom : un meurtre.
Cette vérité, c’est aussi ce moment où chacun a pu, ne serait-ce qu’un instant, se mettre dans la peau de cet homme mort sous nos yeux sans raison — à cause de sa peau.
Et réaliser qu’ici aussi, va savoir, on n’est peut-être pas traité exactement de la même manière par la police, selon la couleur de sa peau…
This post appeared on the front page as a direct link to the original article with the above link
.