Joe Biden, the Workers’ President

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Joe Biden, le président des travailleurs

Le président démocrate avait promis aux travailleurs américains de « rebâtir l’Amérique, en mieux ». Tournant le dos à l’orthodoxie des indices chiffrés, poussé par sa gauche, Joe Biden garde le cap de réhabiliter les classes moyennes et populaires.

Editorial. Après quatre ans de bruit et de fureur, on attendait la version américaine du « président normal ». Installé à la Maison Blanche deux semaines à peine après le traumatisme de la prise du Capitole par des insurgés partisans de Donald Trump, Joe Biden avait pour première responsabilité de rétablir le calme et la dignité à la tête des Etats-Unis d’Amérique. En cent jours, il s’est acquitté de cette mission.

Il a, en revanche, vite fait de secouer l’image de préretraité qu’on lui avait assignée un peu abusivement, à l’issue d’une campagne électorale plombée par une pandémie de Covid-19 dévastatrice. Dès son arrivée dans le bureau Ovale, à 78 ans, Joe Biden le centriste a pris un virage radical. De ses cinq décennies au Sénat puis à la Maison Blanche, comme vice-président de Barack Obama, il a retiré une leçon, qu’il applique depuis le 20 janvier à la situation exceptionnelle dans laquelle il a trouvé le pays : la primauté du politique.

Il fallait rompre avec la présidence Trump pour en dissiper le profond malaise. La politique a donc commandé à son successeur d’aller vite, de voir grand et de frapper fort. L’Amérique était malade et l’homéopathie hors de question. Il ne fallait pas non plus songer à négocier un programme consensuel avec l’opposition républicaine : après des années de polarisation, le parti de Donald Trump n’est pas dans cet état d’esprit.

L’accumulation de crises, enfin, depuis la crise financière de 2008, et la montée constante des inégalités exigeaient un changement radical. La boîte à outils économiques dans laquelle avaient puisé ses prédécesseurs a été remisée.

Adieu, Ronald Reagan

Le démocrate Joe Biden avait promis aux travailleurs américains de « rebâtir l’Amérique, en mieux ». Tournant le dos à l’orthodoxie des indices chiffrés, poussé par sa gauche, il garde ce cap, celui de la réhabilitation des classes moyennes et populaires. C’est leur déclassement et leur colère qui ont dépouillé Barack Obama de sa majorité au Congrès, puis porté Donald Trump à la Maison Blanche. Plus jamais ça.

Mercredi 28 avril, Joe Biden a donc présenté son « American Family Plan », monumental programme social de lutte contre les inégalités de 1 800 milliards de dollars.

Il complète un « American Jobs Plan » encore plus massif. S’ils sont adoptés par le Congrès, ils s’ajouteront au plan de soutien de 1 900 milliards déjà voté pour compenser la chute de l’activité économique due à la pandémie. Toute la puissance de l’Etat fédéral est mise à contribution. Les riches et les entreprises paieront plus d’impôts. Adieu, Ronald Reagan.

Joe Biden remportera-t-il son audacieux pari ? A la tête d’une équipe compétente et disciplinée, il s’en donne les moyens. Il a réussi à accélérer la campagne de vaccination dans laquelle Trump avait opportunément investi. Le pays, cependant, reste très divisé, et les tensions sont vives. Les bavures policières continuent d’endeuiller la communauté noire, le fléau des armes à feu poursuit son œuvre macabre, la pression migratoire et l’afflux de mineurs isolés menacent de se transformer en crise.

A l’étranger, face à la Chine, le président Biden peut au moins se targuer d’avoir renoué avec les alliés des Etats-Unis. Le retour de Washington dans le système multilatéral, en particulier dans la lutte contre le changement climatique, et ses initiatives sur la fiscalité internationale sont les bienvenus. Là aussi, il sera jugé sur pièces ; la méfiance n’a pas disparu. Cela prendra sans doute beaucoup plus de cent jours.

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