Le divorce du couple Melinda et Bill Gates interroge la Genève internationale, où ce dernier finance massivement trois institutions majeures de la santé globale. Si l’apport financier de ces deux philanthropes est bienvenu, il pose aussi des questions d’indépendance, notamment de l’OMS.
Il est des divorces qui comptent. Celui de Melinda et Bill Gates est de ceux-là. Il résonne fortement au sein de la Genève internationale. Le milliardaire américain et son épouse sont un bailleur de fonds majeur de l’écosystème de santé globale au bout du Léman. Un changement au sein de la famille Gates peut dès lors avoir des répercussions sur le financement de l’OMS, de GAVI, l’Alliance du vaccin et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme généreusement financés par ces philanthropes.
Au-delà de ces inquiétudes sans doute exagérées, l’événement soulève une question qui reste fondamentale au cœur d’une pandémie de Covid-19 qui a tué plus de trois millions de personnes. Comment financer la santé globale? L’OMS demeure une organisation tellement sous-dotée qu’elle est très vulnérable aux pressions des Etats membres. On l’a vu avec la Chine et l’Italie dans le cadre du Covid-19. Malgré l’appel d’Angela Merkel lancé devant l’Assemblée mondiale de la santé en 2015 à Genève à financer plus substantiellement l’OMS, les Etats membres se dérobent à leur responsabilité. Année après année. A la 74e Assemblée mondiale de la santé qui se tient à Genève du 24 mai au 1er juin, ils devront pourtant se rendre à l’évidence: sans assise financière plus forte, l’OMS sera incapable de bien gérer les pandémies à venir.
Face à cette irresponsabilité des Etats, la générosité des philanthropes Melinda et Bill Gates est du coup bonne à prendre. Elle comble un vide. Mais elle ne va pas sans poser quelques questions.
Depuis l’épidémie de H1N1, durant laquelle l’identité de ses bailleurs de fonds mettait en doute son indépendance, l’OMS a renforcé ses garde-fous. Mais nul ne doute que Bill Gates exerce sur l’organisation une vraie influence sur les programmes qu’il privilégie. Et cela sans le devoir démocratique de rendre des comptes aux citoyens de ce monde qui contribuent, à travers leurs gouvernements, à développer une institution sanitaire de qualité.
La dépendance de l’OMS à un milliardaire révèle aussi une grande fragilité. Il suffit que ce riche contributeur change de stratégie ou décède pour que l’OMS soit déstabilisée. Cette situation interroge plus largement sur le partenariat privé-public dont Genève se fait désormais le héraut. Dans une redéfinition du multilatéralisme, ce partenariat paraît nécessaire tant pour pallier les dérives bureaucratiques onusiennes que pour combler le manque de financement des Etats. Mais il doit lui aussi être cadré. Le partenariat privé-public ne peut être un paravent destiné à maintenir des modèles éculés, comme celui, inflexible, que défend Bill Gates en matière de propriété intellectuelle relative aux vaccins.
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