États-Unis : “Les élus républicains sont toujours paralysés devant l’influence de Donald Trump”
Entretien
Propos recueillis par Alexandra Saviana
Publié le 04/05/2021 à 18:09
La déclaration de Donald Trump selon laquelle l’élection de novembre 2020 lui avait été volée fracture le camp républicain. La représentante Liz Cheney s’est attiré les foudres de son parti en contredisant l’ex-président ce 3 mai. La preuve que, quatre mois après son départ de la Maison Blanche, l’ombre de Trump est toujours omniprésente…
Même à distance, Trump continue d’alimenter les débats au sein de son parti. Dans un communiqué, l’ancien président a une nouvelle fois affirmé que la victoire à l’élection présidentielle du novembre 2020 lui avait été volée au profit de Joe Biden. Cette assertion, fausse, a été contestée ce 3 mai par l’une des membres du parti républicain à la Chambre des Représentants : Liz Cheney, fille du vice-président de George W. Bush, Dick Cheney, et élue de l’État du Wyoming. “L’élection présidentielle de 2020 n’a pas été volée. Quiconque prétend le contraire diffuse LE GROS MENSONGE, tournant le dos à la loi et empoisonnant notre système démocratique”, a-t-elle tweeté.
Ce message virulent intervient alors que Cheney est pourtant très contestée en interne. De nombreux Républicains lui ont reproché son vote en faveur de la seconde procédure d’impeachment de Trump, pour son rôle dans l’attaque du Capitole du 6 janvier, ou encore son refus d’adhérer aux multiples affirmations de l’ancien président sur un éventuel trucage de l’élection. À tel point que beaucoup prédisent un avenir sombre à la numéro 3 des Républicains au Congrès.
Alors qu’un sondage CNN indique que 70 % des sympathisants Républicains sont convaincus que Joe Biden n’a pas gagné assez de votes pour être président, la position des élus “modérés” du Grand Old Party semble de plus en plus précaire. Quatre mois après son départ de la Maison Blanche, l’ombre de Trump est toujours omniprésente… Décryptage avec Lauric Henneton, maître de conférences à l’Université de Versailles – Saint Quentin-en-Yvelines, auteur du rêve américain à l’épreuve de Donald Trump (Ed. Vendémiaire, 2020).
Marianne : Comment expliquer que, quatre mois après le départ effectif de Trump de la Maison Blanche, la légitimité de l’élection soit toujours contestée ?
Lauric Henneton : Après quatre ans de Trump, l’opinion américaine voit toujours les élus démocrates et les républicains enfermés dans leur bulle, incapables de résoudre les problèmes des “vrais” américains. Cela s’est traduit dès 2011 par des mouvements comme Occupy Wall Street, puis politiquement en 2016 par des candidats populistes de gauche comme Bernie Sanders, ou de droite, comme Donald Trump. Ils ont su canaliser, représenter une colère. Chez les Républicains, cet attachement ne s’est pas arrêté après sa défaite en novembre : il n’y a personne pour le remplacer, pour incarner ces idées-là au sein du parti. Son influence, bien qu’amputée par son éviction de Twitter, est toujours là : quand Donald Trump parle, une certaine frange de la population l’écoute. Y compris quand il assure que l’élection lui a été volée.
On ne parle pas d’une tranche isolée de la population. La représentante Liz Cheney a été très critiquée ce lundi pour avoir contredit Donald Trump sur la validité de l’élection. Plus d’une centaine d’élus républicains semblent toujours douter du résultat du scrutin. Comment l’expliquer ?
Tout vient des électeurs et de la faiblesse du parti républicain. Il faut rappeler que les partis sont historiquement faibles aux États-uniens, ce qui se traduit par une forte impopularité du Congrès. Certaines figures, comme Mitch McConnell, président de la majorité sénatoriale à la chambre basse, peuvent rester en place par leur assise locale et par leur influence. Mais dans une grande partie des cas, les élus républicains sont paralysés devant l’influence de Trump. Ils ont peur de s’aliéner les électeurs et ils sont terrorisés par ce que les appareils locaux, très “trumpisés” sont en train de devenir. Aujourd’hui, on peut être défié par son propre camp dans une primaire. Là est la clé : il faut insister sur le fait que les primaires sont faussement démocratiques. Ce sont des machines à perdre, à broyer des candidats, à pousser sur le devant de la scène ceux ayant les vues les plus extrêmes.
“Un mouvement de “purification” du parti pourrait être mis en route au profit des pro-Trump.”.
De plus, il y a toujours la menace de la petite phrase de Donald Trump. Quand il a envie de donner son point de vue sur quelqu’un, il ne se prive pas. Personne n’a envie d’être la cible d’un communiqué vengeur de l’ancien président, alors que ce qu’il dit est écouté chez ses partisans : pour beaucoup, leur affection envers lui relève de la foi. Pas de quoi donner envie aux élus de s’aliéner leur base pour contredire Donald Trump.
D’autant plus que dénigrer Donald Trump peut entraîner des critiques très virulentes des électeurs. On pense notamment à Mitt Romney, le seul sénateur républicain ayant voté deux fois en faveur d’une destitution de l’ancien président. Lors d’une réunion publique, il a notamment été traité de “traître” et de “communiste” par une foule en colère…
Voir Mitt Romney, ancien candidat républicain à la présidentielle de 2012 être traité de “communiste” est quelque chose d’assez savoureux. En dépit de son pedigree très conservateur et de son historique très long chez les républicains, ses positions anti-Trump l’ont placé dans la sphère des “infidèles” aux yeux des trumpistes. Le traiter de “communiste” est un peu comme le traiter “d’apostat” ou “d’hérétique”. De quoi laisser penser qu’un mouvement de “purification” du parti pourrait être mis en route au profit des pro-Trump, alors que de plus en plus de modérés risquent de jeter l’éponge.
Le parti républicain va donc rester à jamais le “parti de Trump” ? Que se passera-t-il si Trump ne peut pas se présenter à la prochaine élection ?
Il ne faut pas s’y tromper : en dépit de ce mouvement de “purification”, un certain nombre de figures commencent à émerger dans le parti. Elles sont plus modérées que Trump, du moins dans leur expression. On peut penser notamment à au gouverneur Ron DeSa
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