Peine de mort aux États-Unis : pourquoi l’Arizona cherche-t-elle à réhabiliter le gaz Zyklon B ?
Analyse L’Arizona veut relancer les exécutions par chambre à gaz en utilisant le Zyklon B, le même gaz utilisé pour l’Holocauste. La pénurie de barbituriques pour les injections létales aux États-Unis pousse de nombreux États à se tourner vers d’anciens modes d’exécution.
Caroline Vinet, le 03/06/2021 à 11:52 Modifié le 03/06/2021 à 14:30
Plus de 20 ans après son abandon, le Zyklon B va faire son retour en Arizona. Selon des documents officiels que le quotidien britannique The Guardian a pu consulter, l’État américain a dépensé plus de 2 000 dollars (1 600 €) il y a plusieurs mois pour se fournir en composés chimiques nécessaires à la fabrication du cyanure d’hydrogène, autrement connu sous le nom de Zyklon B. Le gaz utilisé par les nazis dans les camps d’extermination.
Les autorités locales ont mené des tests pour réhabiliter une chambre à gaz du complexe pénitentiaire d’État à Florence (Arizona), et évaluer son « opérabilité », autrement dit son étanchéité. « Certaines des techniques utilisées pour tester la sécurité de la chambre étaient étonnamment primitives », pointe le journal. La flamme d’une bougie a été placée devant les fenêtres et la porte. Si elle ne bougeait pas, la pièce était considérée comme « prête à l’emploi ».
De nombreux accidents
Aux États-Unis, la dernière exécution par gaz date de 1999… en Arizona. Walter LaGrand, un ressortissant allemand, était mort au terme de 18 minutes d’agonie. Depuis, la plupart des États américains ont délaissé les modes d’exécutions historiques de la pendaison, de la chaise électrique, du peloton d’exécution et de la chambre à gaz pour les injections létales, jugées moins douloureuses. Mais de nombreux accidents ont mis à mal ce mode d’exécution. En Arizona, elles ont été mises en suspens en 2014 après le calvaire de Joseph Wood, mort deux heures après l’injection.
Le recours à la chambre à gaz a un temps été déclaré anticonstitutionnel. « Au milieu des années 1990, une juge fédérale de Californie a estimé que c’était en contradiction avec le huitième amendement qui prévoit qu’il ne peut y avoir de «châtiment cruel et inhabituel» », retrace l’historien des États-Unis à l’université de Lille et spécialiste de la peine de mort, Simon Grivet.
Décision rejetée par la cour d’appel, à condition que le choix soit laissé au condamné entre la mort par gaz et un autre mode d’exécution. À l’avenir, les condamnés à mort en Arizona pourront donc choisir entre le gaz et l’injection létale.
Mémoire de l’Holocauste
115 condamnés attendent toujours dans le couloir de la mort de l’État conservateur. De nombreux États font aujourd’hui machine arrière sur la peine capitale par injection létale. « Depuis cinq ans, ils font face à un blocage de la vente internationale des barbituriques nécessaires à l’injection létale et se tournent vers de nouvelles stratégies d’exécutions plus traditionnelles », explique Simon Grivet.
Mais l’utilisation du Zyklon B fait grincer des dents. « Vous devez vous demander à quoi pensait l’Arizona en croyant qu’en 2021, il était acceptable d’exécuter des personnes dans une chambre à gaz avec du gaz cyanure. Ont-ils demandé à quelqu’un d’étudier l’histoire de l’Holocauste ? », s’insurge dans les pages du Guardian Robert Dunham, directeur exécutif du Centre d’information sur la peine de mort.
Deux condamnés « candidats » doivent bientôt inaugurer la chambre à gaz. « Frank Atwood (l’un d’entre eux, NDLR) est prêt à mourir », a déclaré son avocat Joseph Perkovich. « C’est un homme de foi grecque orthodoxe et il se prépare pour ce moment. Mais il ne veut pas être torturé et soumis à une exécution bâclée. » Aucune date n’a pour l’instant été arrêtée.
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