Art, Ethics and the Bidens

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L’art, l’éthique et les Biden

(New York) Malgré son nom de famille, Richard Painter n’est pas un spécialiste des arts visuels. Mais il croit pouvoir reconnaître un problème éthique quand il en voit un. Et la vente prochaine à des prix considérables des toiles de Hunter Biden, devenu peintre à temps plein, en est un à ses yeux.

Publié le 26 juillet 2021 à 6h00 Partager

Richard Hétu

RICHARD HÉTU

COLLABORATION SPÉCIALE

« C’est une idée terrible », affirme l’ancien conseiller éthique de la Maison-Blanche sous George W. Bush. « Il ne devrait pas vendre ces peintures à ces prix. »

De quels prix parle-t-on ? À l’automne, le galeriste new-yorkais George Bergès exposera, à New York et à Los Angeles, des peintures du fils de Joe Biden dont les prix varieront de 75 000 $ à 500 000 $.

Comme d’autres spécialistes de l’éthique, le juriste ne craint pas seulement que Hunter Biden profite de la présence de son père à la Maison-Blanche pour s’enrichir en vendant des croûtes. Il s’inquiète surtout que des acheteurs veuillent s’attirer les faveurs du président en achetant les toiles de son fils.

Jusqu’à un certain point, la Maison-Blanche reconnaît le problème. Le 9 juillet dernier, elle a annoncé une entente par laquelle George Bergès s’engage à ne dévoiler l’identité des acheteurs ni à Hunter Biden ni à la Maison-Blanche. Or, le galeriste a révélé la semaine dernière que le fils du président rencontrera les acheteurs potentiels de ses toiles à l’occasion de leur exposition à New York et à Los Angeles. Ne s’agit-il pas d’un accroc à l’entente intervenue avec la Maison-Blanche ?

Richard Painter en est persuadé, contrairement à la Maison-Blanche.

« C’est malheureux parce que, dans l’ensemble, Biden est une grande amélioration par rapport à Trump en matière d’éthique », commente M. Painter, qui est aujourd’hui professeur de droit à l’Université du Minnesota.

Accusations de népotisme

La plus grande différence tient évidemment à l’absence de membres de la famille Biden au sein de l’administration démocrate. Donald Trump, faut-il le rappeler, comptait parmi ses principaux conseillers à la Maison-Blanche sa fille Ivanka et son gendre Jared Kushner. Malgré leur entrée au gouvernement, les deux avaient conservé des intérêts considérables dans les affaires.

Cela dit, l’administration Biden n’est pas elle-même à l’abri des accusations de népotisme. Trois des quatre enfants de Steve Ricchetti, conseiller de longue date du président, y occupent des postes dont l’importance varie. Monica Medina, femme du chef de cabinet de la Maison-Blanche, Ron Klain, a été nommée à un poste de secrétaire d’État adjointe au département d’État. Stephanie Psaki, sœur de la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki, occupe une fonction importante au sein du département de la Santé et des Services sociaux.

Et les enfants de deux autres conseillers du président travaillent à la Maison-Blanche.

L’administration Biden rejette les accusations de népotisme en faisant valoir que les personnes embauchées sont toutes « bien qualifiées ».

« Mais cela n’a jamais été la question. La question est de savoir si ce sont eux qui auraient obtenu le poste. Étaient-ils les candidats les plus qualifiés ? »

Walter Shaub, ancien directeur du Bureau de l’éthique gouvernementale sous Barack Obama, a soulevé cette question lors d’une entrevue accordée au magazine en ligne The Dispatch.

Richard Painter, lui, se la pose en parlant des choix récents de Joe Biden pour occuper les postes d’ambassadeur des États-Unis au Canada et en Allemagne.

« Je suis troublé par la nomination de David Cohen à titre d’ambassadeur au Canada et par celle d’Amy Gutmann à titre d’ambassadrice en Allemagne, dit le professeur de droit. Les deux sont des amis de Biden à Philadelphie. Les deux ont approuvé une entente par laquelle Biden a été embauché comme professeur à l’Université de Pennsylvanie pour 917 000 $, de 2017 à 2019. Et il n’a pas donné un seul cours ! »

De donateur à ambassadeur au Canada

À l’époque, David Cohen était président du conseil d’administration de l’Université de Pennsylvanie. Mais il n’était pas que ça. Il était aussi vice-président et lobbyiste en chef de Comcast, un des géants du câble américain. Et il allait devenir l’un des principaux collecteurs de fonds de la campagne présidentielle de Joe Biden.

Amy Gutmann, elle, était présidente de l’Université de Pennsylvanie. À ce titre, elle a nommé Joe Biden premier professeur de pratique présidentielle Benjamin Franklin de l’Université de Pennsylvanie, dont les responsabilités incluaient la direction du Penn Biden Center for Diplomacy and Global Engagement.

Selon le Philadelphia Enquirer, l’Université de Pennsylvanie a versé à Joe Biden 371 159 $ en 2017 et 540 484 $ en 2018 et au début de 2019. Son travail s’est résumé à une douzaine d’apparitions publiques sur le campus pour lesquelles les gens devaient se procurer des billets. Le futur président n’a donné aucun cours régulier.

« Ça me dérange, même si j’aime le président Biden », dit Painter en évoquant la nomination de David Cohen. « Ça ressemble trop à un donnant-donnant, un pot-de-vin. »

Bien sûr, Joe Biden n’est pas le premier président américain à offrir un poste d’ambassadeur à un bailleur de fonds. Il ne serait pas non plus le premier à voir un membre de sa famille tenter de tirer profit de la présence d’un proche à la Maison-Blanche. Billy Carter, gai luron et frère aîné de Jimmy, a notamment prêté son prénom à une marque de bière.

Mais Hunter Biden est un cas à part. En avril 2014, alors que son père était vice-président, il a accepté de siéger au conseil d’administration d’une société gazière d’Ukraine, moyennant 50 000 $ par mois. Il se retrouve aujourd’hui plongé dans une nouvelle controverse, suscitée par sa décision de vendre les fruits d’une activité qui, selon ses dires, l’a aidé à combattre sa dépendance à la vodka et au crack.

« Il est peut-être talentueux en tout, ironise Richard Painter. Après avoir été un grand homme d’affaires ukrainien, il sera peut-être le prochain Rembrandt. Mais c’est un peu difficile à croire. »

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