En parvenant à faire voter au Sénat un vaste plan d’infrastructures avec le soutien des républicains, le président américain mobilise des sommes jamais vues depuis des décennies pour lutter contre les inégalités systémiques.
Editorial du « Monde ». Sans doute, pour « réparer » Washington, valait-il mieux un ancien sénateur rompu aux arcanes de la politique devenu sur le tard président qu’un matamore populiste. Toujours est-il que Joe Biden a réussi là où son prédécesseur, Donald Trump, avait échoué : faire voter au Sénat, mardi 10 août, un vaste plan d’infrastructures avec le soutien des républicains. Savourant son plaisir, le président démocrate a plaisanté sur ceux qui avaient annoncé par avance l’échec des négociations. M. Biden a tenu bon et a fini par obtenir un texte consensuel.
Tout le monde sort gagnant de cette affaire : le président, qui a pour objectif de réconcilier les Américains entre eux et qui est parvenu à apaiser au moins partiellement le climat politique ; les républicains, qui ont su s’affranchir ce jour-là de Donald Trump ; le Sénat, en tant qu’institution, qui montre qu’il n’est pas paralysé par définition. Ce sont de bonnes nouvelles pour la démocratie américaine.
Le plan est moins ambitieux que celui présenté au printemps par le président : d’un montant de 1 000 milliards de dollars (852 milliards d’euros), il mobilise d’anciens crédits et prévoit 550 milliards de dollars de dépenses supplémentaires. Il se concentre sur les infrastructures physiques et ne prévoit aucune hausse d’impôt en contrepartie, M. Biden ayant dû renoncer à inclure l’augmentation de l’impôt sur les sociétés dans le projet de loi. C’était le prix du soutien républicain. Il prévoit de réparer routes, ponts, chemins de fer, réseaux électriques. Il doit aider les populations à accéder à l’Internet haut débit, protéger les plus démunis des risques climatiques.
Lutter contre la pauvreté
Le président a comparé ce plan à la construction du chemin de fer transcontinental ou à celle des autoroutes dans les années 1950. Il est en tout cas bienvenu, tant les Etats-Unis souffrent des faiblesses de ses infrastructures. Encore faudra-t-il s’assurer que les fonds arrivent à destination, ce qui n’est pas toujours facile, comme l’a montré l’immense retard pour aider les Américains n’arrivant plus à payer leur loyer et menacés d’expulsion.
Tactiquement, ce plan est bon pour M. Biden, qui a été élu en 2020 grâce à l’électorat modéré des banlieues et demande à ses responsables politiques de trouver l’art de l’harmonie. Les élections de mi-mandat sont déjà en ligne de mire.
A peine le plan voté par le Sénat, les démocrates se sont attelés à un nouveau projet, celui du budget, qui prévoit 3 500 milliards de dollars de dépenses en infrastructures dites « humaines ». Le projet, qui vise notamment à financer les familles, leur assurance-maladie et l’école maternelle, s’inscrit dans une volonté de lutter contre la pauvreté. Il est sans précédent depuis le programme du président Lyndon Johnson, dans les années 1960.
Sauf que, là, Washington est retourné à ses vieilles habitudes : les démocrates ont mis le projet à l’ordre du jour seuls, par 50 voix contre 49 pour les républicains, comme ils l’avaient fait pour faire passer seuls le premier plan de relance de Joe Biden, début mars. Les républicains, il est vrai, s’y opposent férocement, mais M. Biden estime que ces projets sont populaires.
Insensiblement, s’appuyant adroitement sur les républicains ou sur son propre parti, M. Biden mobilise des sommes jamais vues depuis des décennies pour changer les Etats-Unis et lutter contre leurs inégalités systémiques. Il doit désormais réussir leur mise en œuvre. Mais, déjà, le président américain a réhabilité l’idée selon laquelle un grand Etat démocratique peut investir massivement pour sa population.
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