Le double attentat du jeudi 26 août montre que les talibans, théoriquement nouveaux maîtres de l’Afghanistan, ne contrôlent pas les groupes rivaux et que les Etats-Unis n’ont d’autre choix que de poursuivre leur engagement contre le terrorisme.
C’était le pire scénario et, s’ils ont été capables de le prédire, les Etats-Unis ont été impuissants à l’empêcher. Depuis plusieurs jours, Washington lançait des mises en garde sur la probabilité d’actes terroristes dans la zone de l’aéroport de Kaboul.
Jeudi 26 août, cette menace est devenue réalité, lorsque deux bombes ont explosé aux abords de l’aéroport, où les Afghans décidés à quitter le pays étaient toujours massés, tuant au moins 85 personnes dont treize militaires américains. La branche afghane de l’organisation Etat islamique a aussitôt revendiqué le double attentat.
Déjà entachée par la mort de plusieurs civils afghans écrasés lors de mouvements de foule, la retraite de Kaboul tourne ainsi au désastre. Les Etats-Unis et leurs alliés peuvent pourtant se prévaloir d’avoir évacué, grâce au pont aérien mis en place, plus de 100 000 personnes en dix jours, un tour de force dans des conditions particulièrement difficiles. Le président Joe Biden a assuré jeudi soir que l’opération se poursuivrait jusqu’au 31 août. Mais, au-delà du drame humain, ces attaques terroristes ont de graves implications pour Washington et ses alliés.
« Nous ne pardonnerons pas. Nous n’oublierons pas. Nous vous pourchasserons et nous vous ferons payer. » La vengeance promise depuis la Maison Blanche par un Joe Biden visiblement ébranlé signifie que, s’ils souhaitaient tourner définitivement la page de leur engagement dans la région, les Etats-Unis n’en ont en réalité pas fini avec la lutte contre le terrorisme islamiste.
Coopération paradoxale
A l’approche du vingtième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, qui déclenchèrent l’intervention américaine en Afghanistan le mois suivant, les forces américaines se retrouvent sous le feu d’une excroissance d’Al-Qaida, l’organisation terroriste qu’elles étaient parvenues à chasser de leur sanctuaire afghan.
En évoquant jeudi soir les « métastases » du terrorisme islamiste, le président Biden a implicitement reconnu l’échec américain à vaincre ce cancer. Après avoir combattu Al-Qaida, les Etats-Unis et leurs alliés ont combattu l’organisation Etat islamique en Irak, en Syrie et au Sahel ; présentes en Afrique, les métastases ont aussi atteint l’Asie.
Une autre leçon du double attentat de Kaboul est que les talibans, théoriquement nouveaux maîtres de l’Afghanistan, ne contrôlent pas ces groupes terroristes. Aux termes de l’accord de Doha, conclu en février 2020 avec l’administration Trump, et qui est en bonne partie à l’origine du chaos actuel, les talibans s’engageaient à ce qu’il n’y ait pas d’attaques contre les troupes de la coalition jusqu’à leur retrait total. Ils n’ont pas été capables d’empêcher les groupes rivaux de s’y livrer.
La lutte contre l’organisation Etat islamique a même conduit à une coopération paradoxale entre talibans et Américains ces derniers jours pour tenter de sécuriser l’aéroport, un « objectif commun », selon l’expression d’un responsable militaire américain.
Le drame de l’aéroport de Kaboul rappelle d’autres douloureux échecs américains, comme la tentative ratée de libération des otages en Iran en 1980 sous Jimmy Carter, ou l’attaque de l’antenne de l’ambassade des Etats-Unis à Benghazi, en Libye, le 11 septembre 2012.
L’inventaire des erreurs commises depuis vingt ans a commencé et il est nécessaire. Mais les Etats-Unis ont beau vouloir se replier, ils n’ont d’autre choix que de poursuivre leur engagement contre le terrorisme. Le djihadisme est aujourd’hui mondial et l’Amérique et ses alliés restent une cible privilégiée.
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