Il y a 20 ans, l’éditorial du journal Le Monde titrait : « Nous sommes tous Américains ». Même Pékin se rangeait du côté de Washington. Aujourd’hui, la solidarité envers les États-Unis a disparu. Les journaux de plusieurs pays ennemis des États-Unis pourraient titrer : « Nous sommes tous talibans ». La triste réalité est que les États-Unis ont perdu la guerre en Afghanistan et que le monde s’est profondément transformé.
Les attentats terroristes du 11 septembre et la guerre en Afghanistan qui s’en est suivie n’en sont pas la cause fondamentale, mais ils en représentent le symbole le plus percutant. Si le monde s’est tant transformé, c’est d’abord parce que la politique intérieure des deux plus grandes puissances a considérablement changé. Les États-Unis se sont beaucoup affaiblis et la Chine s’est beaucoup renforcée. Les États-Unis ont encore moins qu’avant les moyens de tenir leurs promesses.
1. Quels sont les effets concrets de l’affaiblissement des États-Unis dans la région afghane ?
En 2001, à la faveur de l’occupation de l’Afghanistan, les dirigeants américains avaient commencé à tisser des liens solides avec les pays d’Asie centrale, au grand dam du gouvernement chinois qui considérait cette région riche en hydrocarbures et en minerais comme sa cour arrière. Vingt ans plus tard, il apparaît clairement que le gouvernement chinois a réussi à bâtir des relations privilégiées avec l’Iran, le Pakistan, la Russie, le Kirghizistan, le Tadjikistan et le Turkménistan. Même la Turquie est courtisée avec succès par la Chine. Les réussites de la Chine parmi les pays musulmans se mesurent à l’opacité de leur silence face au génocide contre les Ouïgours.
2. Que reste-t-il du modèle démocratique américain ?
En 2001, plusieurs populations du Proche et du Moyen-Orient rêvaient de se débarrasser de leurs dirigeants corrompus et d’accéder à la démocratie. En 2021, ces populations déchantent et les fondamentalistes religieux en profitent pour promouvoir leurs modèles de théocratie.
3. Quelle est la principale force des États-Unis ?
En 2001, l’arme la plus puissante des États-Unis n’était peut-être pas leur appareil militaire, ni leur économie, mais leur machine à faire rêver de l’Amérique. C’est elle qui attirait des immigrants de partout dans le monde. C’est elle qui donnait aux États-Unis leur supériorité morale et leur valeur d’exemple à l’échelle mondiale. Or, le rêve américain vire au cauchemar. Le racisme, le wokisme, le fondamentalisme religieux, les inégalités économiques scandaleuses et les attaques des républicains contre les fondements de la démocratie sont en train de détruire de l’intérieur la société américaine.
4. Est-ce à dire que les jeux sont faits ?
Il est trop tôt pour le dire. Les États-Unis peuvent encore rebondir et il faut espérer qu’ils y parviendront. Inversement, la trajectoire de plus en plus totalitaire de la Chine laisse présager chez elle la résurgence de problèmes similaires à ceux que l’Union soviétique a dû affronter.
5. Est-ce la fin d’un cycle ?
La sortie ratée de l’Afghanistan marque la fin d’un cycle politique dans le monde. Le prochain cycle sera sans doute celui de l’affrontement entre la Chine et les États-Unis. Un affrontement qui du reste aurait probablement défini les 20 dernières années, si Al-Qaïda n’avait pas attaqué les États-Unis le 11 septembre 2001. Pour le bien de l’humanité, il est à espérer que la politique intérieure des États-Unis sera assainie, que la démocratie s’y renforcera et qu’ils sortiront vainqueurs de cette nouvelle confrontation.
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