What California Is Telling Us

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Ce que la Californie nous dit

Les choses ont bien changé depuis l’époque où les électeurs américains ne se souciaient que de ce qui se passait dans leur collectivité. Mais la stratégie utilisée pour sauver le démocrate Gavin Newsom pourrait bien se retourner contre son parti l’an prochain.

Rafael Jacob

17 septembre 2021

Le 14 septembre avait lieu un scrutin tout particulier : la seconde « élection de rappel » de l’histoire de la Californie risquait de démettre le gouverneur démocrate Gavin Newsom avant la fin de son mandat, prévue pour janvier 2023. Les électeurs de l’État se sont retrouvés devant la question suivante sur leurs bulletins de vote : « Gavin Newsom devrait-il être retiré de ses fonctions ? » À cette question on ne peut plus claire, les électeurs californiens ont également répondu de façon on ne peut plus claire : par une majorité avoisinant les 60 %, ils ont voté pour garder Newsom. Ils ont voté non.

Ce résultat, que les sondages avaient prédit, peut mener à un haussement d’épaules collectif. Après tout, si une campagne ayant coûté quelque 300 millions de dollars a abouti à un résultat presque identique à celui obtenu par Newsom lors de son élection initiale — il avait obtenu 61 % des voix en 2018 —, c’est qu’il n’y a pas grand-chose de spécial à voir ici.

En réalité, c’est faux.

La politique est toujours nationale

Tip O’Neill, président de la Chambre des représentants de 1977 à 1987, avait un dicton bien connu : la politique est toujours locale (all politics is local). Autrement dit, peu importe la popularité du président américain ou l’importance de divers événements sur la scène nationale, un candidat est toujours élu (ou battu) en raison des enjeux qui préoccupent les gens dans sa circonscription, dans sa collectivité.

O’Neill en savait quelque chose : en 1984, l’année où le président républicain Ronald Reagan était réélu en remportant 49 États sur 50, le démocrate O’Neill était confortablement reconduit à la tête de la Chambre des représentants, au sein d’un caucus de 254 élus démocrates, contre seulement 181 républicains. La majorité démocrate à la Chambre était si imposante que, depuis le début du XXIe siècle, un tel exploit n’a été réussi qu’une seule autre fois (en 2008, lors de la première élection de Barack Obama).

Comme les choses ont changé.

Aujourd’hui, le slogan de Tip O’Neill semble pratiquement avoir été inversé : la politique est (presque) toujours nationale. Ainsi, même les campagnes qui devraient à la base être marquées par des questions locales en viennent souvent à être dominées par des considérations nationales.

C’est précisément ce qu’a observé, avec justesse, l’équipe de Gavin Newsom. Au milieu de l’été, critiqué principalement pour sa gestion de la COVID–19, le gouverneur avait devant lui un électorat divisé presque exactement à 50-50 sur la question de son possible congédiement.

Puis, l’équipe Newsom a appelé en renfort les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren, la représentante Alexandria Ocasio-Cortez et l’ex-président Barack Obama, et enfin, la veille du vote, le président actuel, Joe Biden. Elle a mis en relief le candidat républicain principal qui ambitionnait de succéder à Newsom, le traitant de « clone de Donald Trump ». Et elle a qualifié la campagne, encore et encore, de « rappel républicain ».

En d’autres mots, elle a nationalisé la course. Celle-ci est devenue un duel aux implications nationales entre démocrates et républicains. Et, dans un État où l’électorat est composé d’environ 20 % de plus de démocrates que de républicains, c’est un pari gagnant.

Or, la stratégie qui a bien servi Gavin Newsom… pourrait également entraîner les candidats démocrates vers le bas lors des élections de mi-mandat, en 2022. Le taux d’approbation du président Biden, un démocrate, reste coincé autour des 45 % depuis le retrait catastrophique des États-Unis en Afghanistan, en août.

Et l’Afghanistan n’est pas le seul souci des démocrates : pour la toute première fois depuis l’entrée en fonction de Biden, une pluralité d’Américains disent désapprouver sa gestion de la pandémie, selon le plus récent sondage Quinnipiac.

Si le président ne redore pas son blason d’ici novembre 2022, les républicains se feront une joie de « nationaliser » à leur tour les différentes courses, autant pour le Congrès que pour des postes locaux. Et la plupart de ces élections n’auront pas lieu dans des États comptant 20 % de plus de démocrates que de républicains parmi l’électorat.

Démographie ne veut pas dire destin

Un autre dicton a longtemps été répété dans les milieux politiques aux États-Unis : la démographie est le destin. L’idée est simple : les minorités ethniques — particulièrement les Hispaniques — occupant un poids de plus en plus important au sein de la population américaine et étant loyales aux démocrates, ces derniers sont appelés à bâtir des majorités électorales de plus en plus dominantes au fil des ans. Ce refrain a sans doute atteint son zénith en 2012, après la réélection de Barack Obama portée par l’appui massif des minorités.

Or, la réalité est nettement plus nuancée. Et le scrutin qui vient de se tenir en Californie abonde dans ce sens.

Résultats obtenus par les camps démocrate et républicain auprès de l’électorat hispanique

Année % démocrate % républicain

Course à la présidence – électorat national

2012 71 (Obama) 26 (Romney)

2016 66 (H. Clinton) 27 (Trump)

2020 65 (Biden) 35 (Trump)

Élection de rappel – électorat de la Californie

2021 60 (Non) 40 (Oui)

Une tendance qui avait déjà commencé à devenir visible pendant la présidence Trump semble aller en s’amplifiant : le Parti républicain perd des plumes chez les électeurs blancs, alors qu’il devient plus populaire auprès des minorités ethniques. Cela peut paraître contre-intuitif pour plusieurs. Après tout, comment un parti dirigé par un leader blanc aux tendances racistes et xénophobes peut-il entraîner un tel changement ?

Or, ce leader et son parti ne sont pas vus simplement comme racistes ou xénophobes. Trump et le Parti républicain des dernières années sont vus comme étant populistes. Le discours antiélites, les positions nationalistes sur le commerce et l’immigration de même que la défense des « Américains oubliés » ont attiré bon nombre de personnes issues de minorités ethniques qui se définissent non pas nécessairement par leur race… mais par leur classe sociale.

En retour, ce positionnement a déplu aux électeurs blancs possédant un niveau de scolarité plus élevé. Le 14 septembre dernier, le groupe le plus susceptible de rejeter la tentative de révocation du gouverneur démocrate de la Californie était composé d’électeurs blancs avec un diplôme universitaire.

Les changements, toujours fascinants, continuent donc à façonner le système politique américain. Et les divisions, elles, semblent destinées à continuer à le définir.

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