L’histoire se répète : l’alliée fidèle des États-Unis trompée. Lafayette se retourne dans sa tombe. Biden et son homologue australien, surnommé dans la région le « sous-shérif » du patron américain, liquident l’accord franco-australien de 60 milliards de dollars visant la construction de 12 sous-marins conventionnels et s’offrent une flottille sous-marine nucléaire d’ici 2040 aux confins australiens de la mer de Chine, preuve de confiance exceptionnelle envers l’allié australien qui devient partie prenante dans la technologie nucléaire militaire.
C’est aussi l’expression d’une continuité de politique étrangère et de défense américaine axée sur la Chine aux dépens des enceintes moindres comme le Moyen-Orient et sa périphérie afghane. Mais cela se fait à l’américaine – le cowboy désinvolte envoie balayer le coq gaulois sans aucun égard.
Une fois de plus, la Grande-Bretagne, perfide Albion inféodée aux États-Unis, surtout pendant et depuis la Seconde Guerre mondiale, participe au carnage, un peu comme le chacal qui se repaît des restes de la victime. C’est la Grande-Bretagne de Churchill qui, lassé des airs de grandeur du général de Gaulle accueilli avec ses troupes égaillées à la suite de l’appel du 18 juin 1940, lui tiendra la dragée haute après la débâcle française aux mains des hordes de Hitler. C’est aussi celle que de Gaulle humilia deux fois, en 1963 et 1967, en rejetant sa demande d’adhésion à l’Union européenne. Enfin, c’est l’Angleterre vilipendée par l’Union européenne à la suite du malencontreux Brexit qui rend à la Grande-Bretagne l’impression d’avoir reconquis le grand large. Pour les Australiens, l’ironie est d’autant plus marquante que, des décennies plus tôt, les essais nucléaires français dans le Pacifique avaient entraîné une rupture diplomatique profonde… d’ailleurs, la Nouvelle-Zélande voisine et vouée à l’opposition au nucléaire, a déjà annoncé que les sous-marins nucléaires n’auraient pas droit de passage dans leurs eaux territoriales.
En quoi l’histoire se répète-t-elle ? Il faut se rappeler qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’unification européenne était devenue le leitmotiv des États libérés du joug germanique.
On a chanté les grands Européens comme Jean Monnet ou Robert Schuman mais on oublie que la Communauté du charbon et de l’acier est née du retour en force de l’industrie allemande sur les marchés face à une faible concurrence française aux ressources minières épuisées. En outre, soucieux d’attacher l’Allemagne vaincue au socle euro-atlantique face à la montée en puissance soviétique, les États-Unis se sont empressés de remplacer toutes les usines allemandes transplantées en France au titre des réparations de guerre par des usines flambant neuves et plus efficaces.
Intégrer l’Allemagne
De même, les États-Unis, une fois l’Alliance atlantique conclue en 1949, n’ont eu de cesse de trouver une façon de réarmer l’Allemagne et de l’y intégrer face à l’URSS. C’est alors que la France mit de l’avant la proposition de créer la Communauté européenne de défense pour enchâsser l’Allemagne dans un cadre européen plutôt qu’une soumission à l’état-major de l’OTAN. Les pressions américaines sur la France pour qu’elle ratifie l’accord qu’elle avait elle-même mis de l’avant ont été brutales, proches d’un chantage au moment où la France était empêtrée en Indochine.
Aussi, quand le président du Conseil français, Pierre Mendès France, mit l’accord au vote à l’Assemblée nationale française le 30 août 1954 sans même engager son propre gouvernement et que l’accord fut rejeté, dans les mois qui suivirent, appuyés vigoureusement par la Grande-Bretagne, les États-Unis forcèrent l’intégration de l’Allemagne au sein de l’OTAN comme membre à part entière. Pendant toute cette période, la France subissait aussi des remontrances américaines en faveur d’une décolonisation plus rapide, notamment en Afrique du Nord, sauf quand toute mouvance en ce sens pouvait avantager l’URSS et, plus accessoirement à l’époque, la Chine jusqu’à la guerre de Corée. La chute de la France en Indochine, à Diên Biên Phu, allait transférer ce joyau de la guerre froide aux États-Unis.
Faut-il rappeler le veto français aux Nations unies contre l’invasion américaine en Irak sous George Bush junior en 2003 et la fin temporaire des french fries ? Ce n’est certainement pas l’image de Trump détachant une pellicule sur le veston de Macron qui aura changé les choses.
Mais la leçon est claire : les alliés, oui, quand on en a besoin… mais l’intérêt américain l’emportera toujours, surtout au moment où la puissance américaine, ou l’influence américaine s’étiole…
L’Europe est un acteur trop important sur la nouvelle planète qui se dessine. Elle doit devenir le troisième pôle dans le monde sur tous les plans. Peut-être qu’une nouvelle Communauté européenne de défense s’impose, avec de vrais moyens, sans exclure la coopération outre-Atlantique, mais autant que possible comme puissance co-égale et non demanderesse.
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