Échec américain, naufrage haïtien
La lettre de démission de l’envoyé spécial américain pour Haïti, Daniel Foote, deux mois exactement après sa nomination, signe une défaite personnelle pour l’ambassadeur Foote — qui n’a pas pu imposer ses vues à son administration –, mais souligne aussi l’échec de toutes les politiques américaines en Haïti depuis des années.
Un diplomate de carrière ne fait pas de telles accusations dans une lettre officielle sans prendre toute la mesure des conséquences pour lui-même et pour ceux qui l’avaient nommé. Foote a mis à nu le jeu américain en Haïti. L’administration Biden a un important exercice de « damage control » à mettre en place après son coup de pied dans la fourmilière.
La lettre de Foote est parlante. Pas besoin de dire plus.
Depuis le séisme de 2010, pour ne pas remonter au déluge, les choix américains pour Haïti sont catastrophiques. Les choix d’Haïti pour lui-même ne le sont pas moins.
La crise des migrants date de 2010. Fourmis laborieuses, les Haïtiens sont de plus en plus nombreux en Amérique latine chaque année. Comment les stratèges américains ont pu ne pas deviner que les fourmis allaient un jour venir frapper à leurs portes coincées qu’elles sont entre un pays natal où il est de plus en plus difficile de revenir et des pays d’accueil qui connaissent des revers économiques.
Affaiblir et laisser périr Haïti, c’est attirer ses fils, Messieurs et Dames de l’Amérique.
Comment les stratèges américains, si au chevet d’Haïti, ont-ils pu ignorer que leur soutien à la mauvaise gouvernance, leur refus d’aider à stopper la prolifération de la violence et l’étalement de la corruption en Haïti allaient rester indéfiniment sans conséquences ?
Aujourd’hui, l’appui aveugle aux dérives du président Jovenel Moïse, pour ne pas remonter au déluge, a causé la mise en faillite de toutes les institutions et de l’économie haïtiennes. Pas seulement parce qu’elles sont défaillantes ou inexistantes mais aussi parce que cela prendra des années pour les remettre sur les rails.
Des autorités sans aucune légitimité ni compétence sont peut-être plus faciles à manœuvrer mais cela finit par coûter très cher à Haïti, à ses alliés, amis et voisins.
La question n’est plus de savoir qui de Jacques, Pierre, Jeannette ou Marie sera le plus docile des dirigeants d’Haïti pour les besoins de la politique étrangère des États-Unis, de la République dominicaine ou de Taïwan, mais d’encourager les responsables à faire les bons et durs choix pour redresser un pays à la dérive.
La semaine prochaine, avec de nouveaux médecins, les États-Unis annoncent qu’ils lanceront une nouvelle série de consultations pour comprendre le cas Haïti, le diagnostiquer et prescrire des remèdes. Espérons que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. Que les mêmes chemins, les mêmes interlocuteurs et le même empressement ne conduisent pas à une perpétuation de l’échec américain et du naufrage haïtien.
Car oui, les USA sont en échec en Haïti, un pays ami qui coule à pic.
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