Trump on the Hunt

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L’avenir de la démocratie américaine telle qu’on l’a connue jusqu’à maintenant pourrait se jouer le 24 mai prochain, en Géorgie, avec l’élection d’un obscur fonctionnaire.

Depuis sa défaite du 4 novembre, Donald Trump semble motivé par deux obsessions : renverser les résultats du scrutin présidentiel de 2020 et purger le Parti républicain de toute voix nuisant à ses efforts de subversion électorale. La première aura culminé lors de l’insurrection du 6 janvier au Capitole. La seconde se jouera dans un peu plus de six mois, dans le cadre d’un événement auquel on devrait déjà commencer à parer.

Le 24 mai 2022 auront lieu les élections primaires en Géorgie, État remporté in extremis par Joe Biden avec la marge la plus mince du scrutin présidentiel, soit à peine 0,2 %. Un des trois États, avec l’Arizona et le Wisconsin, dont le sort s’est scellé par moins d’un point de pourcentage et avec lesquels Trump aurait pu être réélu pour un second mandat. C’est aussi en Géorgie que Trump a, vraisemblablement de façon criminelle, harcelé le responsable électoral de l’État, notamment lors d’un appel téléphonique, quatre jours avant l’insurrection au Capitole, dans lequel il lui a demandé de « trouver 11 780 votes » afin de le déclarer vainqueur en Géorgie.

Ce responsable électoral, Brad Raffensperger, est un républicain et a tenu tête du début à la fin au leader de son propre parti. Son poste de secrétaire d’État, qu’il détient depuis 2019, est lui-même électif, et il sera en jeu lors d’un scrutin le 24 mai prochain. Raffensperger y fera face à des adversaires dans le cadre d’une primaire prenant déjà des allures de règlement de comptes pour les partisans du 44e président.

Parmi les candidats loyaux à Trump se trouve Jodi Hyce, ex-membre du Congrès refusant de reconnaître la légitimité de l’élection de Biden, et avec lequel le président éconduit a déjà commencé à faire campagne activement.

Dans un contexte où Trump continue à être vu de façon favorable par plus de 80 %de l’électorat républicain en Géorgie, il pourrait être difficile pour Raffensperger de s’accrocher. Et sa défaite représenterait un trophée de chasse politique sans précédent pour Trump : il aurait fait battre l’élu qui l’a empêché de concrétiser sa lubie du renversement des résultats de la dernière élection présidentielle.

Et il aurait fait accéder à un poste de responsable électoral d’un État-clé un candidat qui a promis de ne jamais reconnaître les résultats d’une élection perdue par Donald Trump. Ce serait du jamais-vu. Et cela mettrait la table de façon aussi puissante que troublante pour le reste du calendrier électoral de 2022… et de 2024.

Après la Géorgie, le déluge ?

Outre la Géorgie, les postes de responsable des élections en Arizona, au Michigan, au Nevada et au Wisconsin seront également en jeu plus tard en 2022. Il s’agit, après la Géorgie, de quatre des cinq États que Joe Biden a remportés avec les plus petites marges (l’autre, la Pennsylvanie, a un responsable électoral non pas élu, mais nommé par le gouverneur).

Et ce sont quatre États où les responsables électoraux, ayant respecté l’intégrité du scrutin de 2020, avaient originellement été eux-mêmes élus avec de faibles majorités, qui seraient menacées en cas de vague trumpiste en 2022.

Autrement dit, ils sont vulnérables. Dans tous les cas, ils feront face à des candidats à la Jodi Hyce, appuyés par Trump avec, en retour, l’assurance de loyauté.

Au début du mois, l’humoriste Bill Maher a présenté un portrait percutant de l’avenir démocratique des États-Unis, et c’était loin d’être drôle. Son point de départ était le même que celui qui est répété sur ce blogue depuis les lendemains du scrutin de novembre dernier : Trump veut revenir à la Maison-Blanche et, à moins de l’équivalent d’une intervention divine, il va presque certainement tenter de le faire en 2024.

À cette première prédiction, Maher en a ajouté une deuxième, qui semble également tout à fait plausible : si Trump se représente, il remportera l’investiture présidentielle du Parti républicain.

Et à cette deuxième prédiction, Maher en a ajouté une troisième : peu importe le résultat de l’élection générale, il affirmera l’avoir gagnée.

Et cette troisième prédiction mène à une question qui mérite déjà d’être considérée sérieusement : Trump pourrait-il se trouver nettement mieux placé pour faire « appliquer » sa déclaration de victoire… qu’elle soit vraie ou fausse ?

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