ÉDITORIAL. Depuis longtemps, Etats-Unis et Europe sont des alliés naturels portés par des valeurs communes. Plusieurs incidents récents montrent toutefois que la dynamique reste instable. Son renforcement pourrait être bénéfique des deux côtés de l’océan
Il y a toujours eu un malentendu entre la première puissance mondiale et l’Union européenne, une entité supranationale. Quand la relation transatlantique semble se stabiliser voire se renforcer, elle retombe dans ses travers: retrait américain d’Afghanistan sans consulter les Européens, accord Aukus entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni conclu dans le dos de la France ou encore levée incroyablement tardive de l’interdiction imposée aux Européens de voyager aux Etats-Unis en raison du Covid-19.
Aujourd’hui, Joe Biden, dont les plans infrastructurels rapprocheraient les Etats-Unis de la social-démocratie européenne, est considéré outre-Atlantique comme un des présidents les plus atlantistes depuis longtemps. Mais son action jusqu’ici n’a pas été à la hauteur de cette réputation. Faut-il dès lors s’inquiéter du rapport d’amour-haine qui perdure d’un côté et de l’autre de l’océan? L’OTAN, l’un des bras armés de cette relation, est-elle au stade de mort cérébrale ou a-t-on mal interprété Emmanuel Macron?
Bruxelles, des attentes excessives
Une chose est sûre: les attentes des Européens envers les Etats-Unis sont souvent excessives. A l’exception de Donald Trump, qui éprouvait un réel mépris pour l’UE, en particulier pour l’Allemagne d’Angela Merkel, la plupart des occupants du Bureau ovale déçoivent tôt ou tard les Européens. Motif? L’Europe démocratique apparaît moins comme une priorité stratégique pour les Etats-Unis.
Vu le bouleversement de la géopolitique mondiale, Washington a pourtant tort de prendre sa relation avec l’Europe pour acquise. L’espace transatlantique partage des valeurs qui sous-tendent les démocraties libérales, aussi imparfaites soient-elles. En agissant de concert avec Bruxelles face à la Chine, l’Amérique aurait tout à gagner: elle bénéficierait d’un soutien fort dans des domaines cruciaux tels que les normes et les nouvelles technologies. Avec Bruxelles comme modératrice, elle éviterait de s’enfermer dans un combat de civilisation avec Pékin dont toute la planète aurait à pâtir.
Invitation à l’immobilisme
Face à une Russie qui s’évertue à diviser l’UE, un couple transatlantique fort aurait plus de poids. Mais celle-ci, affaiblie par le Brexit et des disputes sans fin avec la Pologne et la Hongrie, est loin d’être unanime sur la question.
Il serait erroné de croire que la relation transatlantique s’impose d’elle-même. Les automatismes sont dangereux tant ils invitent à l’immobilisme. La relation doit se réinventer, être beaucoup plus ambitieuse. La première réunion du Conseil transatlantique sur le commerce et les technologies à Pittsburgh à la fin septembre est un premier pas dans la bonne direction. En termes d’investissements et d’échanges économiques, l’espace transatlantique demeure très dynamique. C’est une force qu’il devrait utiliser pour affirmer son leadership multilatéral sur le climat, la réforme de l’OMC, voire la régulation de l’intelligence artificielle. Il y va des valeurs qu’il prétend porter.
Et la Suisse dans tout ça? Elle ne compte pas trop sur le couple transatlantique. Elle promet d’acheter des avions F-35 américains, mais reste en froid avec Bruxelles.
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