The Biden Administration Is Losing Patience with Tehran

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L’administration Biden s’impatiente face à Téhéran

L’annonce d’une reprise prochaine des négociations entre l’Iran et les grandes puissances fait craindre une nouvelle manoeuvre dilatoire à l’administration Biden qui, pour la première fois, affirme que « toutes les options » sont sur la table.

Face aux menaces israéliennes, voire américaines, mais aussi azéris, Téhéran a multiplié récemment les manoeuvres et démonstrations de force.

Par Yves Bourdillon

Pour la première fois, l’administration Biden n’a pas exclu une option militaire contre le programme militaire iranien. Une menace, via la formule consacrée « toutes les options sont sur la table », quelque peu paradoxale : Téhéran évoquait justement lundi une reprise prochaine des négociations avec les grandes puissances pour rétablir le traité JCPoA torpillé par Donald Trump en 2018 et qui prévoyait la réintégration internationale de l’Iran en échange d’un gel de son programme soupçonné d’abriter la production d’armes nucléaires.

Mais voilà, Washington, comme les pays occidentaux parties à l’accord (France, Allemagne, Royaume-Uni), perd patience. Les discussions pour un rétablissement du traité, reprises dès l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, sont interrompues de facto depuis avril et Téhéran n’a même pas précisé le calendrier du nouveau round de discussions.

Stock d’uranium de qualité quasi militaire

En outre, l’Iran, qui s’est affranchi de ses obligations dans le cadre du JCPoA en représailles à la décision de l’administration Trump, a augmenté ces derniers mois son stock d’uranium de qualité quasi militaire. Et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), organisme de l’ONU chargé de surveiller les activités dans le domaine nucléaire, dont les inspections en Iran sont entravées depuis février, a annoncé dimanche qu’il s’était vu refuser l’accès « indispensable » à un atelier de fabrication de composants de centrifugeuses situé à Karaj, près de Téhéran. Une violation d’un accord du 12 septembre entre l’Iran et l’AIEA. Cette dernière estimait fin septembre que depuis avril l’Iran avait quadruplé, à environ dix kilos, son stock d’uranium enrichi à 60 % en isotope 235, une teneur manifestement à visée militaire.

Jusqu’au printemps, Téhéran n’avait jamais produit d’uranium enrichi à plus de 20 % censé être utile pour des isotopes médicaux, déjà bien au-dessus du seuil de 3,67 % autorisé par le JCPoA et correspondant à de la production d’électricité… Il faut environ 25 kg d’uranium enrichi à 90 % pour fabriquer une bombe atomique.

Agir à tout moment

L’option militaire a été évoquée à demi-mot par le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, lors d’une rencontre à Washington avec son homologue israélien, Yaïr Lapid. Ce dernier a souligné lors d’une conférence de presse commune que quand Washington évoquait « d’autres options, je pense que tout le monde comprend ». Il a précisé qu’Israël se « réservait le droit d’agir à tout moment et quels que soient les moyens » pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire. Israël a plusieurs fois affirmé qu’il ne laisserait jamais l’Iran obtenir la bombe, car ce serait une menace existentielle pour lui.

Le ministère français des Affaires étrangères a estimé mercredi soir que Téhéran se livrait à « des activités d’une gravité sans précédent […] en violation du JCPOA », ajoutant « alors qu’il refuse de négocier, l’Iran crée des faits accomplis sur le terrain qui compliquent encore plus le retour au JCPoA ». Les trois pays européens parties prenantes du JCPoA, France, Allemagne, Grande-Bretagne, ont estimé que « la situation sur le terrain du nucléaire se dégrade » et que le dossier vit un « moment critique ». L’émissaire européen, Enrique Mora, est à Téhéran ce jeudi, une visite qualifiée de « cruciale dans un contexte de crise ».

Un contexte tendu sur les marchés de l’énergie

Téhéran a rétorqué que les pays européens doivent donner la pleine assurance que, cette fois, « aucune partie ne violera l’accord sur le nucléaire », en allusion à la dénonciation unilatérale du traité par Washington en 2018. Le régime a fait savoir, après une simulation d’interception de missiles mercredi, que son système de défense antimissile « multicouches » était parfaitement capable de protéger les sites sensibles du pays. L’Iran a averti Israël jeudi de ne pas tenter « d’aventure militaire » contre son programme nucléaire, qui constituerait « une erreur de calcul », dans une lettre adressée au président du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ce dossier s’avère particulièrement sensible du fait des tensions actuelles d’approvisionnement en énergie au niveau mondial. Certes, l’Iran n’est plus un fournisseur important de pétrole en raison des sanctions américaines, mais la moindre possibilité de conflit dans cette région abritant environ le quart des réserves mondiales prouvées d’hydrocarbures ne peut que rendre nerveux les marchés de l’énergie.

Yves Bourdillon

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