Tout doit être tenté pour échapper à l’alternative entre une surenchère militaire, que l’accord de 2015 avait permis d’éviter, et une renégociation a minima qui ne sauverait que les apparences.
Chaque jour qui passe à Vienne apporte son supplément de pessimisme à propos des négociations engagées pour sauver un accord crucial visant à empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Les interminables tractations qui avaient permis de parvenir au compromis de 2015 (un gel du programme en échange d’une levée des sanctions internationales) avaient déjà emprunté des voies tortueuses, mais des différences majeures permettent d’expliquer l’alarmisme actuellement en vigueur.
Le bloc des six négociateurs (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) qui font face au régime iranien apparaît tout d’abord moins soudé que par le passé. Depuis 2015, l’Iran et la Chine ont ainsi approfondi leurs liens stratégiques et économiques. Les attentes de Téhéran sont sans doute démesurées rapportées aux calculs de Pékin, mais elles alimentent en Iran la conviction que le pays pourrait s’accommoder des sanctions occidentales en s’appuyant sur son partenaire chinois.
Les représentants iraniens ne sont d’ailleurs plus ceux de 2015. Le président Hassan Rohani et son ministre des affaires étrangères, Mohammad Zarif, qui avaient fait de la levée des sanctions l’un de leurs principaux objectifs de politique étrangère, ont été remplacés à la suite de l’élection présidentielle de juin par Ebrahim Raïssi et Hossein Amir Abdollahian. Contrairement à leurs prédécesseurs, ces derniers ne semblent pas considérer un nouveau compromis comme une priorité absolue, ce qui réduit également la marge de manœuvre de leurs interlocuteurs.
La déflagration produite en 2018 par la sortie unilatérale de l’accord des Etats-Unis à l’initiative de Donald Trump ne cesse enfin de produire ses effets. Ce précédent a fait voler en éclats la confiance minimale nécessaire pour parvenir à un nouveau compromis. Les Iraniens ont beau jeu de faire valoir que la parole américaine, désormais, ne vaut guère plus qu’un mandat présidentiel. Et que personne ne se risquera à investir en Iran alors que la réinsertion du pays dans l’économie mondiale était la contrepartie de l’encadrement du programme nucléaire controversé.
Fiasco spectaculaire
Lorsqu’il avait retiré les Etats-Unis du compromis de 2015 et rétabli les sanctions américaines, poussé par tout ce que la capitale fédérale compte d’idéologues de la manière forte, Donald Trump se faisait fort de mettre à genoux le régime iranien. Ce dernier serait vite contraint, assurait-il, d’accepter à la fois un durcissement des mesures encadrant son programme (l’accord aujourd’hui exsangue prend fin en 2025), et de brider simultanément son programme balistique comme son influence régionale, deux autres points de contentieux.
Chacun peut mesurer aujourd’hui la clairvoyance de l’ancien président des Etats-Unis. L’Iran n’a pas rompu, en dépit d’une situation intérieure considérablement dégradée. Le régime s’est durci et il a même profité de cette brèche américaine pour relancer tout aussi unilatéralement son programme. Ce dernier tangente plus que jamais le point de non-retour, alors que les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique sont désormais tenus régulièrement à distance.
Ce fiasco spectaculaire ne permet plus aujourd’hui en apparence que de mauvaises solutions : une renégociation au minimum pour sauver les apparences, sans le moindre progrès sur le nucléaire comme sur les deux autres dossiers qui préoccupent les Occidentaux ; ou bien la surenchère militaire que l’accord de 2015 avait permis d’éviter. Tout doit pourtant être tenté pour échapper à une telle alternative.
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