Les Etats-Unis ont cru maintes fois que leur stratégie de l’étranglement économique de l’île allait finir par payer, mais les capacités de survie de la dictature cubaine ne doivent pas être sous-estimées.
Cuba : rien à signaler, hélas ! En atteste le témoignage du dissident Yunior Garcia publié dans Le Monde du 22 décembre. Le jeune dramaturge, fondateur d’une plate-forme civique plaidant pour la démocratisation de l’île, a été réduit au silence puis poussé à l’exil, comme bien d’autres avant lui.
Le remplacement en 2018 à la présidence du pays de Raul Castro par un apparatchik, Miguel Diaz-Canel, comme à la tête du Parti communiste cubain en avril de cette année, n’a en rien modifié la nature de cette dictature tropicale. En parallèle, le retour d’un président démocrate à la Maison Blanche ne s’est pas accompagné d’une ouverture similaire à celle courageusement esquissée par Barack Obama il y a tout juste six ans, le 17 décembre 2014. Donald Trump y avait mis fin prématurément et brutalement, empêchant d’en dresser le bilan à l’aune de résultats.
Les circonstances, il est vrai, n’ont pas aidé Joe Biden. Aggravé par la pandémie de Covid-19, le marasme économique endémique qui sévit sur l’île a soulevé le 11 juillet une vague de protestations historiques, inédites par leur forme et leur ampleur, sévèrement réprimées par le régime. Joe Biden n’a eu d’autre choix qu’une condamnation assortie de sanctions.
Ces dernières ne pouvaient être que symboliques, compte tenu de l’embargo imposé par les Etats-Unis, qui passera le cap de ses 60 ans en février. Le régime cubain y a répondu par un durcissement tout aussi mécanique, conforme à une partition usée à force d’avoir trop servi : celle qui fait de Washington la source unique de tous les maux du pays.
Mécontentement populaire
Les Etats-Unis ont cru maintes fois que leur étranglement de Cuba allait finir par payer. Après la disparition du parrain soviétique tout d’abord, qui allait ouvrir la parenthèse sombre de la « période spéciale », caractérisée par un effondrement de l’économie. Après l’implosion du Venezuela chaviste ensuite, Caracas ayant pris le relais pour porter à bout de bras le régime castriste. Ces espoirs ont beau avoir été déçus, Washington continue de s’accrocher à cette politique à l’heure où la Chine manifeste un intérêt croissant pour la zone des Caraïbes.
Les capacités de survie de la dictature cubaine ne doivent pourtant pas être sous-estimées. Elles vont de la répression classique, dont Yunior Garcia a pu faire l’expérience éprouvante, à l’amélioration très ponctuelle des approvisionnements pour atténuer le mécontentement populaire. Ce dernier fut l’un des ressorts du 11 juillet, avec des mots d’ordre plus politiques contre le régime.
Pour le malheur des Cubains, qui retrouvent une rare unité lorsqu’il s’agit de dénoncer l’embargo des Etats-Unis, le sort de l’île est l’otage d’une dynamique perverse : les considérations électoralistes des responsables américains, principalement républicains. Elles poussent ces derniers à la surenchère pour s’attirer les bonnes grâces d’une partie d’une diaspora volontiers revancharde, dont le poids est jugé non négligeable en Floride, Etat-clé de toute élection présidentielle.
Pendant la dernière campagne, Joe Biden avait stigmatisé cette stratégie de l’étranglement, assurant que la répression des Cubains par le régime avait empiré pendant le mandat de Donald Trump, au lieu de diminuer. Compte tenu de l’ossification d’un castrisme désormais dépourvu de Castro, en dépit de réformes limitées concentrées sur l’économie, le président démocrate se doit de rester fidèle à cette analyse. S’engager dans une politique de long terme privilégiant le sort des Cubains en desserrant l’étau sera toujours préférable à la chimère d’un grand soir contre-révolutionnaire.
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